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quant à créer enfin des institutions sérieuses de conciliation et d’arbitrage ; quant à toucher à la question de l’assurance obligatoire contre le chômage, la vieillesse et la maladie; quant à aborder la réglementation sanitaire des ateliers et des logemens, l’organisation efficace de l’inspection, la limitation des heures de travail des enfans, des femmes et de certaines industries spéciales, le problème si ardu et si urgent du minimum vital de salaire, halte-là! C’est au nom du libéralisme, cette fois, — de ce même libéralisme que l’on exorcisait tout à l’heure sur le terrain politique, — que l’on nous adjure de ne pas faire un pas de plus dans cette voie de perdition. Il faut entendre l’accent onctueux avec lequel on invoque à cette occasion les immortels principes et ce dépôt inviolable des conquêtes révolutionnaires! Et voilà comment d’honnêtes gens, des esprits généreux et justes peuvent se laisser arrêter, tantôt par l’appel à la discipline républicaine, quand ils voudraient faire un peu de libéralisme, et tantôt par l’appel à la tradition libérale, quand ils voudraient faire un peu de justice sociale.

Jamais la concentration républicaine n’aura d’autre sens. C’est dire assez, je pense, que jamais la conscience ne pourra ratifier le culte de ce fétiche. Or je tremble que l’idole n’ait pas encore reçu tous les sacrifices auxquels elle croit avoir droit. Voilà que l’on reparle couramment de concentration. Pour changer apparemment, on fait de bien des côtés les yeux doux au monstre. D’ailleurs il faut bien ajouter que, si le mot depuis quelque temps avait un peu perdu de son crédit et s’il figurait moins dans le vocabulaire des hommes du jour, la chose n’avait guère cessé de se pratiquer. Le républicanisme conservateur de M. Méline et de ses collègues a ce trait de ressemblance avec le républicanisme radical de M. Bourgeois qu’il a des démangeaisons non pareilles d’embrasser ses soi-disant adversaires et que jusqu’à : Je vous hais, il leur dit tout avec tendresse.

Il ne parait pas, au résultat des élections qui ont renouvelé un tiers du Sénat l’autre jour, que la France soit assez lasse de cette longue et plate comédie ni qu’elle en soit encore à ce point de dégoût où l’on rejette à tout jamais une politique fatale. Faudra-t-il donc que les choses suivent leur pente, et aillent jusqu’au bout, et que. faute de l’énergique répudiation d’une funeste docilité et d’une coupable facilité d’humeur, les républicains libéraux contribuent à la perte de la liberté, à la chute de la République,