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Sans son activité, son intelligence, son savoir-faire, le Président eût été enlevé par les vieux généraux d’Afrique coalisés. Il sut désigner les régimens qu’il était bon d’éloigner ou utile de rapprocher. Sans nuire à personne, il favorisa et assura les dévouemens et il parvint à réunir à Paris une légion de jeunes officiers distingués sur lesquels on put entièrement compter. Ce fut lui aussi qui désigna au choix du Prince, Saint-Arnaud sous lequel il avait servi à Orléansville.

C’était un intelligent, vigoureux et brillant soldat que ce Saint-Arnaud, capable à un égal degré d’héroïsme et de diplomatie, intrépide à combattre et habile à séduire, tendre et implacable, aimant les aises de la vie et bravant avec stoïcisme les épreuves de la maladie et de la mort. Les commencemens de sa carrière sont enveloppés d’une mystérieuse obscurité. On sait que, né en 1798, il entra très jeune dans la garde royale, qu’il en sortit et ne reprit du service qu’en 1830. Quelle avait été la cause de cette interruption ? Qu’a-t-il fait dans l’intervalle ? A-t-il été, comme on l’a dit, comédien ou commis voyageur ? Je n’ai pu me procurer aucune information sérieuse sur ce va-et-vient, si ce n’est qu’il se rattachait à des dissipations de jeunesse. Sa fortune commença en 1833, quand il eut rencontré Bugeaud à Blaye. Celui-ci l’emmena en Afrique, en fit, avec Trochu, son élève favori. Le 1er mai 1846, il écrivait d’Alger au ministre : « Voilà un homme qui fera un maréchal de camp selon mon esprit et selon mon cœur. Il est honoré et chéri de ses troupes, redouté des Arabes. Il est depuis près d’un an entre deux insurrections commandées par des chefs très entreprenans et très persévérans. Il a déployé dans ces difficiles circonstances une activité et une résolution rares. » Il revenait encore à la charge le 3 mai 1847 : « Saint-Arnaud commande une subdivision avec la plus haute distinction depuis deux ans et demi, et il est l’homme d’Afrique qui a livré le plus d’actions de guerre pendant cette période. »

« J’ai, dit Fleury au Prince, le général qu’il vous faut ; il commande une brigade à Constantine ; son physique est agréable, ses manières distinguées, son intelligence hors ligne, son caractère aventureux et noble. Il a le don du commandement ; par son langage coloré, son attitude hardie, il inspire aux troupes la confiance et les entraîne. Il s’agit de le mettre en lumière. Chargez-le d’aller dompter la Petite Kabylie qui n’est pas encore soumise ; il se distinguera ; vos journaux célébreront et grossiront ses