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auxquels les étrangers ne veulent souvent pas se résigner. Cela seul constituerait un marché important ; on le voit assez par les mines d’or ou de cuivre. Mais la Coulisse a étendu ses opérations bien au delà; elle a empiété sur le terrain réservé au parquet; elle traite, depuis longtemps déjà, des affaires admises à la cote officielle, à commencer par les rentes françaises. Sur certains fonds, sur plusieurs grandes valeurs internationales, notamment, les opérations conclues par la Coulisse l’emportent sur celles effectuées au parquet. C’est là, encore aujourd’hui, le point de litige entre la Coulisse et les agens de change. Ces derniers en ont, plus d’une fois, appelé aux tribunaux; et, jusque sous le second Empire, les tribunaux leur ont donné gain de cause contre la Coulisse. L’usage a néanmoins prévalu contre les textes de loi. Le champ de la Bourse s’est tellement élargi, alors que le nombre des courtiers officiels demeurait stationnaire, que, jusqu’à ces derniers temps, il semblait qu’il y eût place, à la fois, pour le parquet et pour la Coulisse. Les agens de change craignaient de compromettre leur monopole, s’ils en exigeaient trop rigoureusement le respect. Quant au public et aux financiers, quant aux gouvernemens eux-mêmes, ils profitaient des facilités que leur offrait le double marché. La querelle du parquet et de la Coulisse qui préoccupe, en ce moment, la Bourse, et aussi, dit-on, le ministre des Finances, intéresse bien moins le public que les gens de Bourse. Qu’elle soit tranchée dans un sens ou dans l’autre, par un décret ou par une loi, on ne voit pas trop ce qu’y gagnera le public, et encore moins ce qu’y gagnera la morale. Il y aurait, sur le terrain même des affaires, des réformes plus urgentes. Que la Coulisse soit tenue à ne pas chasser sur les terres du parquet, la spéculation n’en sera ni plus ni moins honnête. Restreindre les opérations de la Coulisse, au profit du parquet, ne servirait guère qu’aux agens de change ; de même qu’abroger le monopole des agens de change ne profiterait guère qu’à la Coulisse, ou n’aboutirait qu’à la création d’un marché libre, plus ou moins analogue à la Coulisse. Quant à supprimer simplement la Coulisse, comme nombre de valeurs, de titres exotiques surtout, ne pourraient supporter les frais du marché officiel, l’abolition du marché libre n’aurait d’autre résultat que de faire passer aux places étrangères les transactions faites, aujourd’hui, sur le marché français. Ce serait sacrifier Paris à Londres, à Berlin, à Francfort, à Genève, à Bruxelles.

Chez nous, un des principaux griefs contre la Coulisse, un