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entrepris de campagne contre nos rentes françaises. Tout au rebours, elle se vante, à bon droit, d’avoir contribué, pour sa part, au placement et à la hausse de nos fonds d’Etat. Sur ce point, elle a la conscience nette; elle ne s’en est pas moins émue des attaques dirigées contre elle, et elle a eu raison. Un règlement édicté à la fin de l’année 1895 a décidé que, à l’avenir, nui ne serait agréé par la Coulisse, à moins qu’il ne fût Français ou admis à la jouissance des droits civils en France. Un peu de patience donc, et bientôt la Coulisse sera, elle aussi, en des mains françaises. Peut-être n’en vaudra-t-elle pas beaucoup mieux; car, c’est faire au crayon des intermédiaires de la Bourse un honneur immérité que de voir en lui l’arbitre du marché et le dispensateur du crédit des Etats. Coulissiers et agens de change ne sont que des courtiers qui exécutent des ordres; et juifs ou chrétiens, étrangers ou Français, leurs sentimens religieux ou nationaux ont peu de prise sur la hausse et la baisse. Si c’est eux qui notent les cours, c’est le public qui les leur dicte.

Il faut avoir le courage de le déclarer, le danger, pour le crédit national, aussi bien que pour le marché de Paris, ce n’est pas la présence de quelques étrangers d’origine à la Coulisse ; ce serait plutôt les attaques dirigées contre le marché par la passion aveugle de rigoristes ignorans, ou les entraves apportées aux affaires par d’imprudens règlemens et par les exigences intempestives du fisc. Par malheur, l’esprit public, inconscient de la fonction essentielle de cet organe de la vie nationale, cède volontiers aux excitations malsaines; et pour y résister, l’on ne saurait beaucoup compter sur la clairvoyance ou sur le patriotisme de législateurs, moins soucieux de fortifier les ressources de la France que de flatter les préjugés du populaire. A la Bourse comme à l’usine, et en finances comme en matière d’impôts, e est là, de nos jours, le grand péril. Encore n’est-ce pas le seul. Le marché peut être atteint par des lois en apparence fort légitimes ; il peut pâtir, indirectement, de certaines réformes de l’impôt, sans même que le réformateur ait pensé à lui. Le fisc, comme les tireurs maladroits, blesse ceux qu’il ne vise point; les taxes ont des ricochets qui frappent souvent au loin. Ainsi, par exemple, du projet d’impôt sur les valeurs étrangères. Quoi de plus juste, semble-t-il, que de les assujettir aux mêmes taxes que les valeurs françaises? Le malheur est que cette égalité est plus facile à faire voter par une Chambre qu’à établir dans la pratique. La matière contribuable s’ingénie à