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vapeurs phosphorées, devenu ainsi le critérium de la salubrité d’un atelier.

A défaut du réactif visible dont il appartient à nos chimistes de nous fournir le meilleur spécimen, il en est un autre qui, pour n’être pas scientifique, n’est pas à dédaigner, c’est l’odorat et, dans l’espèce, le caractère si spécial du phosphore lui donne une valeur considérable. Pour un observateur habitué, l’impression personnelle pourra dire à quel degré de saturation correspond l’atmosphère et même si les émanations sont réduites à zéro.

Aux procédés généraux d’évacuation des gaz délétères, il faut ajouter quelques pratiques spéciales : ainsi on a cherché à neutraliser sur place certains gaz toxiques. Un premier essai dans ce sens repose sur l’emploi de l’essence de térébenthine conseillée en Angleterre par M. Letheby et en France par le chimiste Personne. On lui attribue la propriété d’arrêter l’oxydation à l’air libre des vapeurs de phosphore ; et la confiance dans ce moyen est restée telle dans certaines manufactures que des récipiens d’essence sont disposés sur les tables de travail, et que chaque ouvrier porte en outre attaché à son cou un flacon contenant ce prétendu neutralisant.

On vient de voir quels sont les principes sur lesquels reposent l’aération et la ventilation par la voie des machines ; mais il est bon nombre d’usines où la ventilation s’effectue d’elle-même d’emblée en quelque sorte et sans aucun effort artificiel : telle est l’usine d’Alger, qui, fondée depuis onze années avec un personnel d’environ cinq cents ouvriers, est dans un état de salubrité qui ne s’est pas démenti un seul instant ; aucun accident quelconque n’y a été constaté à aucune époque.

Il ne faut pas chercher bien loin le secret de cette immunité. Dans un climat toujours tempéré, la fabrication s’effectue pour ainsi dire en plein air ; point de vapeurs séjournant dans l’atelier ; tout s’échappe au dehors. Il est bon d’ajouter que les bâtimens sont en outre ventilés par des cheminées d’aspiration nombreuses dans lesquelles, grâce à des combinaisons voulues des plafonds, les vapeurs sont dirigées et entraînées dans leur totalité. Une autre circonstance contribue encore à la salubrité de cette usine. C’est la fabrication même, qui est surtout consacrée à l’allumette bougie. Ce type d’allumettes ne permet pas l’emploi des pâtes phosphorées à haute température comme les allumettes de bois. Ces dernières dégagent, comme on pense, une quantité bien