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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/196

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ensuite autant d’honnêteté que je pourrai. Un autre se dit : J’aurai d’abord de l’honnêteté et ensuite autant de bénéfices que possible. Quoique l’homme qui aura des bénéfices puisse être honnête subsidiairement ; quoique l’homme qui cherche l’honneur puisse devenir riche, — cependant ne sont-ils pas de deux écoles à jamais différentes ?

Ainsi vous avez en art des provinces absolument séparées, quoique se touchant par les frontières, celles des dessinateurs, des clairobscuristes et des coloristes ;


ou, pour leur donner des noms, les écoles de Raphaël, de Rembrandt, et de Fra Angelico : les lois de Rome, les lois d’Amsterdam, et les lois de Fiesole.

Or la nature, elle, nous enseigne les lois de Fiesole. Il y a eu de grands maîtres dans les trois écoles, comme au moment des dissensions de l’Eglise, il y a eu des saints dans toutes les obédiences. Mais les dessinateurs purs ont regardé les choses loin du soleil qui fait miroiter, trembler et se confondre les lignes. Les clairobscuristes les ont regardées dans le demi-jour et le mystère des ateliers, dont ils ont parfois peint les murs en noir, afin de concentrer toutes les forces de la lumière en un foyer qui brûle une chair, embrase une armure ou allume les pointes des lances comme des cierges… Quiconque regardera les choses en plein jour et en plein air, simplement, naïvement, gaiement, ainsi que la Nature elle-même nous les montre, les verra non comme des damiers noirs et blancs, mais comme des agglomérations de points colorés. « Il faut donc considérer toute nature purement comme une mosaïque de différentes couleurs qu’on doit imiter une à une en toute simplicité » et ne tenir aucun compte des prétendues lois du clair-obscur ou de l’ombre.

Il faut suivre l’Angelico et le Pérugin qui sont sans ombre, sans tristesse, sans mal et non le Caravage ou l’Espagnolet, ces esclaves noirs de la peinture. Il n’y a pas d’ombre en soi, pas plus que de lumière en soi : il n’y a que des couleurs plus fortes, plus épaisses, plus profondes ! Arrière donc le gris, le noir, le brun et tout ce goudronnage des paysagistes français du milieu du siècle, qui « semblent regarder la Nature dans un miroir noir ! » Il faut assombrir chaque teinte, non avec un mélange de couleur sombre, mais avec sa propre teinte simplement renforcée. Ne nous parlez pas non plus de rien affaiblir, sous prétexte de « perspective aérienne » ! Il n’y a pas de couleur particulière pour exprimer la distance. Il est faux que parce qu’un objet est loin, il doive être moins coloré que s’il était près.