quand tous les deux ont été coupables. C’est un lien que d’avoir souffert l’un par l’autre ; les blessures mutuelles sûmes du pardon réciproque créent entre les amoureux quelque chose de fort comme un pacte de sang. Et c’est ainsi que, quatre ou cinq mois après la séparation, Hélène et Philippe se remettent ensemble, dans une agréable scène qui dure cinq minutes et qui constitue le quatrième acte. J’ai tort de dire : « se remettent ensemble », puisque c’est bel et bien du mariage qu’il s’agit. Mais, mariés ou non, ces deux-là ne seront jamais rien d’autre que des « amans ».
Voilà l’histoire de la Douloureuse. Quelle « douloureuse » ? La douloureuse, terme d’argot, c’est le quart d’heure de Rabelais ; et c’est, au moral, l’heure inévitable où l’on paye ses fautes. Hélène, au troisième acte, expie l’erreur d’avoir eu un premier amant, et de n’avoir pas su attendre l’amant définitif, le seul, le vrai, et peut-être aussi la faiblesse, — excusable, ne vous semble-t-il pas ? — d’avoir celé l’amant provisoire, l’amant d’essai, à l’amant définitif. Et Philippe expie la lâcheté d’avoir, — moitié par libertinage, moitié par politesse pour une personne qui insistait beaucoup, — trahi une maîtresse qu’il aimait pourtant de tout son cœur. Et il nous est loisible de croire que, même après la réconciliation, la « douloureuse » n’est pas finie pour eux, et qu’il leur arrivera d’être bien gênés par leurs souvenirs. Mais, à la vérité, la pièce et son titre ne s’ajustent pas bien étroitement. Ou plutôt, je ne vois presque pas de drame auquel ce titre de Douloureuse ne pût convenir ; car il n’y en a guère où des fautes ne soient expiées. La pièce de M. Donnay s’appellerait tout aussi bien Hélène et Philippe ou, de nouveau, Amans, ou encore le Pardon, si ce titre n’avait été déjà pris par M. Léon Gandillot. Ce point, du reste, n’aurait d’importance que si, sur la foi du titre, nous avions attendu quelque profonde étude de la responsabilité, à la façon de George Eliot ou de M. Paul Bourget, et si cette attente nous avait détournés de goûter ce qu’on nous offrait. Ce n’a pas été notre cas.
Et le premier acte ? Il est bien joli. C’est une soirée dans le monde de Viveurs, le monde de la finance et du haut commerce, — avec bar anglais, sœurs Clarisson et autre divertissemens pleins d’abandon. Cela est d’un débraillé parfait. Tous « mufles » et toutes dessalées. Il y a là un anarchiste pourri de lettres qui dit leur fait à ces « mufles » et un Desgenais, revu et corrigé quant au style, qui pose la théorie de la « douloureuse ». A travers cela, quelques fléchettes particulièrement sifflantes à l’adresse des hommes d’argent. Et des mots ! des mots ! Je ne le dis point au sens d’Hamlet. Des mots exquis, des mots cyniques,