jour, ne se sont pas réalisées. Loin de là, le premier incident grave qui a éclaté a provoqué presque aussitôt une sorte de resserrement dans l’accord des puissances, qui l’ont toutes blâmé avec la plus grande énergie. L’empereur Guillaume, en particulier, a montré une irritation très vive en apprenant les nouvelles d’Athènes. Il était resté jusqu’à ce jour presque impassible au milieu des inquiétudes qui provoquaient chez les autres une certaine agitation, et on avait pu admirer son calme olympien. Non pas qu’il se tint de parti pris, en dehors du concert européen ; il en était au contraire un des membres les plus fidèles ; mais il était loin d’y réclamer la place que son importance lui assignait, et surtout d’y faire entendre la note volontiers dominante qu’il apporte dans les affaires auxquelles il prend un réel intérêt. Les affaires d’Orient ne paraissaient pas l’intéresser beaucoup. Comment est-il passé brusquement de cette espèce de nonchalance expectante à une allure presque impétueuse, c’est un fait qu’il faut constater sans prétendre en deviner sûrement les motifs. Peut-être, — et le même sentiment s’est aussi manifesté ailleurs, — Guillaume II a-t-il voulu montrer que sa politique était inspirée par les intérêts généraux de l’Europe, dont il ne distinguait pas ceux de son empire, et non pas par des préoccupations de famille, qui ne tiennent dans sa pensée qu’une place secondaire. On sait qu’une de ses sœurs a épousé le duc de Sparte, prince héritier de Grèce. Les gouvernemens et les cours qui se trouvent dans une situation analogue ont tenu comme lui à dissiper tout soupçon d’avoir encouragé, par une complaisance plus ou moins avouée, l’équipée du roi Georges. Ils se sont montrés à son égard particulièrement sévères. Mais à Berlin la réprobation s’est manifestée avec le maximum de rudesse. L’empereur Guillaume sait prendre toutes les formes d’esprit ; il est tantôt souple et fuyant, tantôt net, précis et purement logique ; et c’est avec ce dernier caractère qu’il est apparu à l’Europe à propos de l’incident crétois. La conduite des Grecs lui a semblé être un attentat contre le droit des gens ; en conséquence, il n’y est pas allé, comme on dit, par quatre chemins, et, reprenant à son compte des procédés d’action qui avaient déjà souri à l’imagination du comte Goluchowski, il a proposé de bloquer le Pirée. C’est, assurément, ce qu’il aurait valu mieux faire avant que l’escadrille hellénique en fût sortie. L’empereur Guillaume est convaincu que, si l’Europe vient à embosser ses vaisseaux devant le Pirée et si, dans cette position, elle parle haut et ferme au gouvernement grec, celui-ci rappellera les troupes qu’il a envoyées en Crète. Cela est probable, en effet ; mais, après avoir montré tant de faiblesse
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