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ou de maladresse à l’égard de la Grèce, convient-il de réparer nos propres fautes en châtiant les siennes avec ce formidable déploiement d’énergie ? Pourquoi ne pas essayer et épuiser d’abord d’autres moyens de persuasion ? L’empereur Guillaume a beaucoup de peine à s’y résoudre. Il regarde comme une question de dignité pour l’Europe d’obtenir avant tout la pleine soumission de la Grèce, et cette soumission doit se manifester par le retrait des troupes que commande le colonel Vassos. Nous avons dit que l’union des puissances n’avait jamais été plus complète qu’en ce moment ; cependant il y a divergence de vues sur ce point particulier entre l’empereur d’Allemagne et le gouvernement anglais ; mais cette divergence, qui ne porte, au total, que sur une question de procédure, sera promptement effacée. Et quand même la proposition allemande ne serait pas acceptée telle quelle, la Grèce aurait grand tort de ne pas en tenir un très grand compte. Il faut souhaiter qu’on soit assez sage à Athènes pour ne pas donner à l’empereur Guillaume l’occasion de déclarer et de prouver que lui seul était dans le vrai, et d’y ramener tous les autres. La Grèce sait déjà que, bien qu’elle répugne à l’emploi de la force, l’Europe n’hésite pas à y recourir lorsqu’on ne lui laisse pas d’autre ressource pour assurer ce qui est incontestablement son droit, ou plutôt le droit.

L’Angleterre a opposé une autre proposition à celle de l’Allemagne. Elle a cru qu’il fallait se préoccuper avant tout de déterminer et de fixer le sort de la Crète. L’Europe s’est chargée de ce soin ; il n’y a pas un moment à perdre pour s’en acquitter. Ce que nous avons dit de la situation actuelle montre combien il serait périlleux de la prolonger, car c’est l’anarchie pure et simple. Que faire de la Crète ? La séparer de l’Empire ottoman, il n’y faut pas songer. Ce serait porter une atteinte directe à l’intégrité de cet empire. Certes, s’il était possible d’en détacher doucement la Crète, sans provoquer un ébranlement profond dans le reste de l’édifice, après tout ce qui vient de se passer en Orient et surtout après les massacres qui ont épouvanté l’humanité, il ne se trouverait pas une puissance pour s’opposer à cette solution. Mais tout le monde sait, tout le monde dit, tout le monde croit que la Crète ne saurait être détachée de l’Empire pour être attribuée à la Grèce sans que, presque aussitôt, les convoitises éveillées dans les Balkans ne poursuivent à travers toutes les aventures leur réalisation immédiate. Il n’y a pas de question mieux connue aujourd’hui ; elle a été exposée dans tous les journaux ; elle est devenue presque banale. Nos enfans eux-mêmes ne doutent pas de ce qui arriverait dès les premiers jours du printemps, si une satisfaction donnée hâtivement à