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d’autres de 5 à 6. On conçoit que s’il y a profit à traiter une tonne dans laquelle il existe de 150 à 200 kilos de sucre, il devient onéreux de mettre en œuvre une tonne qui n’en contient que 50 ou 60 kilos. Cette diminution de qualité était réelle ; elle s’accentuait à mesure que la culture de la betterave remontait dans le pays à une date plus reculée. Si, au moment de son installation dans une contrée où la culture de la betterave n’était pas habituelle, une usine recevait d’excellentes racines, leur qualité baissait d’année en année. Cette diminution dans la richesse en sucre des racines sembla d’abord apporter un solide appui à l’idée d’épuisement du sol, émise à cette époque par le célèbre chimiste allemand J. von Liebig.

Sa mémorable découverte de la richesse en azote des terres cultivées l’avait entraîné dans une mauvaise voie ; persuadé que l’alimentation azotée de la plante est assurée par l’abondance de la matière organique du sol, il avait été conduit à exagérer l’importance très réelle des alimens minéraux. Il s’élevait, dans ses Lois naturelles de l’agriculture, avec une extrême véhémence contre le mode de culture habituellement suivi en Europe. Quand, d’après lui, on n’emploie comme engrais que le fumier de ferme, quand on ne restitue pas au sol les élémens minéraux : acide phosphorique et potasse exportés du domaine à chacune des ventes de récolte ; quand on pratique « cette culture spoliatrice », « cette culture vampire », on arrive fatalement à la ruine. Elle s’annonce déjà ; les pommes de terre croissant dans un sol épuisé sont devenues incapables de résister à la maladie. Les betteraves ne renferment plus les quantités de sucre qui s’y rencontrent lorsque, cultivées sur un sol vierge, elles y trouvent tous les élémens minéraux nécessaires à leur développement.

Il est parfaitement certain qu’en portant un sac de blé au marché, on y porte l’acide phosphorique, la potasse et la magnésie que le blé a pris dans les champs du domaine, et que, de même, la vente d’un bœuf implique la disparition du phosphate de chaux de ses os et du phosphate de potasse de ses muscles ; et qu’en continuant indéfiniment ces exportations sans apporter au sol autre chose que le fumier, qui ne renferme naturellement qu’une fraction des matières minérales prélevées par les récoltes, on arrive à l’épuisement.

Mais, est-ce bien à cet épuisement hypothétique du sol qu’est due la diminution de qualité des racines portées aux sucreries ?