Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/350

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépasse que faiblement le nombre précédent en 1893, puis brusquement monte à 6 millions de tonnes en 1891.

Longtemps, la marche de la production a la même allure que celle de la consommation ; mais tout à coup, pendant les dernières années, elle s’en détache et la dépasse. En effet, nous avons vu plus haut que la production excède actuellement 7 millions de tonnes.

Il y a donc en ce moment un écart considérable entre la production et la consommation ; la quantité de sucre produite dans le monde dépasse d’un million de tonnes celle qui est consommée et le stock qui s’accumule d’année en année dans les magasins, pèse sur les cours et les écrase. La baisse est formidable. Tous les grands producteurs de sucre sont exportateurs, ils se disputent les marchés et notamment le plus important de tous, celui de la Grande-Bretagne. Le sucre de betteraves y rencontre celui qui est extrait des cannes, ils sont offerts l’un et l’autre, leur abondance amène l’avilissement des prix ; ceux-ci se nivellent partout.

En France, nous avons ressenti le contre-coup de cet encombrement du marché ; en 1880 le sucre de bonne sorte valait 60 francs les 100 kilos, impôt non compris ; en 1883-1884, il abandonnait le cours de 50 francs, en 1889-1890 celui de 40 francs, et aujourd’hui il est tombé au-dessous de 30 francs. Ses bonnes sortes ont valu en moyenne 28 fr. 60 pendant l’année 1895, 25 fr. 75 au mois de novembre 1890 et 25 fr. 50 en février 1897.

La situation est donc très difficile. L’exportation devient une nécessité et tous les États producteurs la favorisent. Récemment, l’Allemagne a établi une prime de sortie qui aurait mis nos sucres dans un état d’infériorité manifeste, si notre Parlement n’avait accordé à nos exportateurs une prime analogue. Ce n’est là, toutefois, qu’un palliatif, car on ne saurait continuer longtemps à faire payer au contribuable français une marchandise destinée à la consommation étrangère.

Nous sommes devant une industrie qui ne vit qu’en profitant d’une partie de l’impôt de consommation que perçoit le Trésor. La perception de cet impôt peut aussi bien porter sur des sucres coloniaux ou étrangers, que sur des sucres indigènes, et si l’Etat abandonne une fraction des sommes qu’il pourrait encaisser, il ne doit le faire qu’au profit de la population entière et non à celui de quelques privilégiés.

Il s’agirait donc de savoir comment cette fraction de