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Il y a bien un autre moyen, plus efficace celui-là, auquel nos ministres et nos parlemens contemporains ne songent que trop à recourir, et qu’ils ont déjà employé bien au-delà de ce que leur commandait l’intérêt sagement entendu du pays : c’est la législation sur les titres étrangers, c’est l’aggravation incessante des droits de timbre et autres qui les frappent. Nous montrerons tout à l’heure de quelle façon elle agit sur nos placemens de fonds au dehors, et comment, par son exagération, elle menace d’aller à l’encontre même du but qu’elle prétend poursuivre. Elle n’empêchera pas ces placemens ; mais elle fera qu’au lieu de s’effectuer sur les marchés français, par des intermédiaires français, en donnant au pays le moyen de s’entourer des informations et précautions nécessaires, ainsi que l’occasion de bénéficier de tous les frais accessoires des opérations, celles-ci se concluront au dehors, à Bruxelles ou à Londres, sur ces marchés francs, que des gouvernemens à larges vues encouragent de toutes leurs forces au lieu de leur être hostiles.

En dehors de ces obstacles, nés du désir même de certains politiciens de barrer la route à ce qu’ils considèrent comme une concurrence dangereuse aux émissions indigènes, la libre migration des capitaux n’est contrariée ou arrêtée que par les différences qui peuvent exister entre les divers régimes monétaires. Si deux pays ont le même étalon, l’or par exemple, les habitans de l’un n’hésiteront pas à faire des placemens dans l’autre : les intérêts leur seront payés et le capital remboursé dans une monnaie qu’ils transformeront, sans risque de change appréciable, en leur monnaie nationale, celle dans laquelle, à un moment donné, ils désirent voir tous les élémens de leur fortune représentés. Si, au contraire, l’étalon du pays étranger est l’argent, celui qui achètera des titres libellés en monnaie de ce pays ne saura pas de combien il est créancier, puisque ses coupons, à leur échéance, ou ses obligations, au jour du remboursement, lui procureront une quantité d’argent qu’il connaît bien d’avance, mais dont il ignore aujourd’hui l’équivalent futur en or, le cours de l’argent variant sans cesse. Si le pays est sous le régime du papier-monnaie, du cours forcé, l’incertitude et le danger sont encore bien plus grands : ce n’est plus un placement, c’est une véritable spéculation, et souvent fort hasardeuse, à laquelle se livre le capitaliste qui place des fonds dans une semblable contrée. Dès lors un taux d’intérêt double, triple de celui qu’il peut obtenir