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M. Wychnegradski put émettre un 3 pour 100 au même cours à peu près que celui auquel il avait vendu son 4 pour 100 en 1887. Il fallut quelque temps pour acclimater ce nouveau type. M. Witte, successeur de M. Wychnegradski, créa, en 1894, un 3 et demi, pour donner une satisfaction passagère à ceux qui considéraient que la Russie n’était pas encore mûre pour le taux de 3. Mais dès 1896 un nouvel emprunt en 3 pour 100, d’un montant de 500 millions de francs, a été émis à 92,30 pour 100 ; et il est probable que, sauf événement de guerre, la Russie ne paiera désormais plus un intérêt supérieur sur ses futurs emprunts, quitte à les céder encore à quelques unités au-dessous du pair.

Telle est l’étape franchie par le crédit de la Russie en peu d’années, grâce à l’intervention des capitaux français : là où elle payait un intérêt de 5, elle en sert aujourd’hui un de 3 ; ce qui lui a procuré, pour une annuité égale, d’importantes ressources nouvelles, qui lui permettent entre autres de pousser activement la construction du chemin de fer transsibérien. Comme le gouvernement russe poursuivait en même temps le rachat d’un grand nombre de lignes de chemins de fer il remboursait les obligations 5 pour 100 de ces compagnies au moyen des capitaux qu’il se procurait à 4 pour 100 : le total des emprunts émis ainsi de 1887 à 1896 en France s’élève à plus de 5 milliards de francs. Il est difficile de dire d’une façon précise quelle est la part qui en est demeurée aux mains de nos capitalistes. Le total des fonds russes inscrits à notre cote officielle, comprenant, outre ces 5 milliards émis depuis dix ans, environ 2 milliards d’obligations de chemins de fer garanties par l’Etat et 3 milliards de fonds intérieurs, c’est-à-dire payables en roubles-papier et non pas en roubles-or, dépasse 10 milliards. Mais il ne circule en France qu’une fraction insignifiante de ces derniers, de sorte que, en tenant compte de la partie des fonds qui est placée dans le reste de l’Europe, on arrive à évaluer à la moitié à peu près des titres cotés le portefeuille français.

Mais ces 5 milliards de francs sont loin de représenter tout ce que nous avons placé en Russie : d’autres obligations de chemins de fer russes se négocient sur le marché libre. En outre, nos capitalistes ont commencé à s’intéresser largement à des entreprises minières, houillères, métallurgiques, qui ont absorbé des sommes importantes et portent vraisemblablement l’ensemble de nos placemens en Russie à 6 milliards de francs. Pour être complet,