Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/460

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que celui-ci d’ailleurs soit lyrique ou familier. « Quelle insupportable manière de vous exprimer vous avez adoptée, maître Blasius ! » Ce sont tous des Blasius que nos jeunes maîtres d’aujourd’hui. Tous ils semblent avoir perdu le sens de l’accord mystérieux, intime, entre la note et le sentiment ou la parole, entre la force ou la vertu du son et celle de lame. Jamais déclamation ne fut plus embarrassée et plus fausse que leur déclamation. Jamais enfin le lyrisme, l’élan, l’essor et l’émotion ne furent plus rares. Il n’en faudrait pas d’autre témoignage que la plate chanson du Semeur, à la fin du troisième tableau de Messidor. Tableau ! Voilà le mot dont on a joué ici. La peinture, ou le décor, a pu faire quelques dupes. « C’est un Millet », avons-nous entendu dire, et cela est bientôt dit, et fort mal dit. Car enfin il ne s’agit point de peinture, mais de musique en cette affaire, et c’est encore la musique, la musique seule, toute la musique : mélodie, modulations, et le reste, dont il serait aisé de montrer ici qu’elle n’existe guère, ou qu’elle n’existe pas.

Nous l’avons assez montré, beaucoup plus assurément que nous n’aurions souhaité d’avoir à le faire. Et qu’importe d’ailleurs ? Le musicien de Messidor ne nous croira pas plus que nous ne croyons en lui. Il « marche vivant dans son Rêve étoile. » Le lendemain de ce premier chef-d’œuvre, ne lui a-t-on pas offert un banquet ? Ne l’a-t-on- pas salué réformateur, fondateur peut-être de la musique française ? Et puis il nous opposera les leçons de l’histoire. Leçons de modestie et de prudence pour les faux prophètes que nous sommes, leçons de courage et de confiance sereine, promesses d’avenir et de revanches triomphales pour les vrais dieux qu’ils sont ou qu’ils seront tous un jour. Peut-être, et qui sait en effet ? La beauté quelquefois a été longtemps méconnue. D’autres fois la laideur a été reconnue tout de suite. Attendons.


Messidor a fait beaucoup de bien à Kermaria, qui l’avait précédé. De ces deux ouvrages si l’on ne connaissait que l’un, c’est peut-être l’autre qu’on préférerait. Quand on les connaît l’un et l’autre, le choix s’impose : à côté de Messidor, c’est un chef-d’œuvre que Kermaria.

C’est l’œuvre au moins d’un meilleur musicien, et qui sait mieux ce qu’on appelle, d’assez vilains mots, son « métier » ou son « affaire ». Kermaria sans doute a de grands défauts, de gros défauts surtout, ceux qui deviennent, hélas ! les nôtres, car notre génie musical s’embarrasse et s’appesantit. Voilà de la musique française à laquelle on ne reprochera pas d’être légère et frivole. Kermaria nous a fait songer,