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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/529

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LE DUC DE BOURGOGNE

II[1]
L’ÉDUCATION — BEAUVILLIERS ET FÉNELON


I

« Le métier de Roi est grand, noble, délicieux, quand on se sent digne de bien s’acquitter de toutes les choses auxquelles il engage. » Ainsi pensait Louis XIV lorsque, jeune encore, il dictait ou inspirait les Mémoires qu’il destinait à l’instruction de son fils. Peut-être, à la fin de sa vie, ce métier lui paraissait-il moins délicieux. Mais c’est justice de reconnaître qu’il l’a exercé, sans un instant de défaillance, depuis le jour où à l’archevêque de Rouen qui lui demandait « à qui il devait s’adresser, M. le cardinal étant mort, » il répondit : « A moi, monsieur l’archevêque, et je vous expédierai bientôt », jusqu’à celui où, Torcy lui ayant proposé de faire préparer les affaires par le plus ancien ministre, il s’écria : « Qu’est-ce donc que ceci? Me croit-on trop vieux pour gouverner? Qu’on ne me propose jamais de choses semblables! » Il avait, si une expression aussi moderne peut lui être appliquée, le sentiment du devoir professionnel, cette utile vertu qui, dans les temps d’affaissement moral, supplée encore aux autres, et il n’a jamais manqué à ce devoir, tel qu’il le comprenait, également attentif à ses plus petits comme à ses plus grands côtés.

Un des plus grands était assurément de veiller à l’éducation de son successeur direct dans ce pouvoir royal qu’il avait accru si démesurément et dont il le voulait rendre digne. Il avait cru

  1. Voyez la Revue du 1er février.