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de places fortes. Il passe plusieurs heures par jour à s’instruire de tout ce qu’un grand prince doit savoir. Il sait dessiner parfaitement. On prendroit presque pour des estampes ce qui part de sa plume : il sait lever des plans et les faire comme un ingénieur. Il est d’une humeur hautaine et fière, d’un abord fort peu prévenant. »


IV

Si sérieuse que paraisse à distance cette éducation, si contrainte qu’elle pût être entre l’étude et l’étiquette, dont l’étude ne dispensait pas, entre les leçons et les cérémonies de cour (à quatre ans le duc de Bourgogne avait dû entendre une harangue des ambassadeurs de Siam), elle avait cependant ses plaisirs. On est toujours disposé à croire que ces personnages du passé, dont les noms ne nous sont connus que par l’histoire, et dont il n’est resté ni lettres ni mémoires, vivaient d’une vie morale très différente de la nôtre. Involontairement, et surtout lorsqu’il s’agit des figures du grand siècle, on se les imagine plus ou moins guindés et immobiles sous leurs majestueuses perruques. En particulier, on se représenterait assez volontiers le duc de Bourgogne comme dompté et assagi dès son plus jeune âge, tout confit dans la dévotion et le travail, un jeune homme modèle, une sorte de chevalier Grandisson de l’histoire. Ce serait une erreur. Il était demeuré un enfant vigoureux, turbulent, ayant le goût et le besoin des exercices violens. Ses sages éducateurs n’avaient garde de lui refuser cette satisfaction. Nous avons vu avec quelle passion il faisait l’exercice, en mousquetaire gris ou noir. Les jeux militaires étaient évidemment de son goût. Une estampe qui est à la Bibliothèque nationale le représente jouant avec ses frères au royal jeu des fortifications. Ce jeu paraît avoir consisté à faire entrer des boules, en les poussant avec des queues, par l’étroite porte d’un petit fortin en carton disposé sur un billard. Au-dessous de l’estampe sont gravés ces vers :


Ces trois princes, jouans à ce jeu de la guerre
Nous présagent qu’un jour, par leurs faits inouïs,
Ils feront avouer au reste de la terre
Qu’ils sont les dignes fils du Monarque Louis.


De bonne heure se manifesta chez les jeunes princes, et surtout chez le duc de Bourgogne, un goût passionné, commun à