hommes, la foi, de quelque sorte qu’elle soit, le besoin de certitude, soit religieuse, soit philosophique, soit scientifique, sur l’ensemble des choses, est une forme du vouloir vivre. Nous avons une certitude ou nous voulons en avoir une, parce que le doute est insupportable; mais pourquoi le doute est-il insupportable? Parce que l’homme a peur de mourir. Or il sent qu’il mourrait si, très nettement à ses yeux, avec une pleine évidence, sa vie n’avait pas de but, par conséquent pas de règle, pas de loi, pas de direction. Elle serait une agitation si vaine dans le vide qu’elle lui semblerait un néant, qu’il paraîtrait lui-même à lui-même comme un pur rien, que sa volonté s’éteindrait, et avec sa volonté son existence même. — Et ce but, cette direction et cette règle, il est bien certain qu’il ne peut les trouver que dans une conception générale de tout l’univers, car il en dépend comme partie d’un tout, rouage de la grande machine, cellule du grand végétal, et, puisqu’il traverse l’univers, pour y avoir un but et une route, il faut qu’il sache ce que c’est que l’univers. De là ce besoin de certitude aussi fort que le besoin de vivre parce qu’il n’est pas, au fond, autre chose. Les hommes, en très petit nombre, n’y échappent que par le divertissement, toujours insuffisant, de quelque rare et haute qualité qu’il soit, ou par certains biais, certains expédiens, de peu d’efficace encore, qui consistent à se donner des buts rapprochés, des buts relatifs, en réalité des buts factices, qui trompent l’activité et qui l’amusent plus qu’ils ne la satisfont, mais qui au moins l’exercent. Mais l’immense majorité des hommes, plus ou moins sourdement, ont bien ce besoin de certitude générale qui n’est qu’une forme de leur besoin d’exister et de persévérer dans l’être.
Nul ne l’a eu plus fortement que Lamennais. Le doute l’épouvante comme une maladie mortelle : « Le pyrrhonisme parfait, s’il était possible d’y arriver, ne serait qu’une parfaite folie, une maladie destructive de l’espèce humaine. » Il a sur ce point de ces raisonnemens naïfs, dont la naïveté même prouve la conviction profonde de l’auteur, révèle le fond irréductible de sa nature morale : « Ce que la raison générale de l’humanité atteste être vrai est nécessairement vrai, et ce qu’elle atteste être faux est nécessairement faux; autrement il n’existerait ni vérité, ni erreur pour l’homme. » — Autrement il n’existerait ni vérité, ni erreur, ce qui, bien entendu, est impossible, est l’impossible, l’absurdité devant laquelle on recule, la conclusion folle qu’il