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son profit, pour le profit de sa doctrine, mais sont aussi des habitudes d’esprit qu’il donne et dont bénéficient les gouvernemens civils, et dont il est permis de croire qu’il n’est pas mauvais qu’ils bénéficient. Ainsi l’entend Bossuet, ainsi l’entendent tous ceux qui suivent l’esprit de Bossuet. — Pour d’autres, le catholicisme est autorité encore, mais autorité seulement pour lui, et il est surtout autorité limitative d’une autre; il est forteresse et retranchement contre une puissance d’un autre ordre; il est ressource, arme, arsenal et lieu de sécession contre l’autorité civile; et ceux qui l’aiment de cette façon-là, ce n’est pas tant qu’ils l’aiment, que ce n’est qu’ils n’aiment pas le pouvoir temporel, et ce n’est pas tant qu’ils prennent plaisir à lui obéir, que ce n’est qu’ils ont tendance à désobéir au gouvernement. — De ces deux groupes, même avant 1830, on a parfaitement vu que c’est au second que Lamennais appartenait.

Or, la Révolution de 1830 développa en lui le révolutionnaire; et la désapprobation que ses idées révolutionnaires rencontrèrent à Rome tua en lui le catholique ; et c’est toute l’histoire révolutionnaire de Lamennais, laquelle, du reste, est si intéressante à suivre.

La Révolution de 1830 développa en lui le révolutionnaire, d’abord parce qu’elle était, en France, à la fois irréligieuse et bourgeoise ; ensuite parce qu’elle était européenne.

Elle était en France bourgeoise, irréligieuse et voltairienne. C’était la Révolution de Béranger. Elle mettait au pouvoir cette bourgeoisie très défiante à l’égard de l’Eglise catholique, toute nourrie de Paul-Louis Courier, qui devait, plus que toute autre classe dirigeante, souhaiter la subordination de l’Église à l’État, tenir l’Église en tutelle, serrée de près et très surveillée. Le gouvernement devenait de plus en plus « gallican » dans le sens où l’entendait Lamennais, et s’il avait trouvé que la Restauration l’était trop, ce n’était pas pour estimer que le gouvernement de Juillet le fût discrètement. Il crut voir que décidément il fallait choisir entre la subordination de l’Église à l’Etat, et le divorce de l’Église à l’État: a priori il n’en avait jamais voulu à aucun degré; moins encore il pouvait s’y résigner après 1830. Voici pourquoi. Avec une clairvoyance assez remarquable, il avait très bien vu ce que beaucoup ne voyaient point ; c’est que les catholiques en France devenaient une minorité « Le nombre des communions pascales qui s’élevait à Paris, sous l’Empire, à quatre-vingt