mille, était réduit au quart vers la fin de la Restauration, et le même fait se reproduisait dans toute la France. » A quoi il fallait attribuer cela? A l’impopularité de la Restauration rejaillissant sur l’Église qui avait lié sa fortune à celle de la Restauration. Or le nouveau gouvernement ne sera pas plus populaire que l’ancien, étant, lui aussi, un gouvernement aristocratique. Il ne faut donc pas retomber dans la même faute ; il ne faut pas rester lié au gouvernement. En tous les cas, du reste, quand on devient minorité on a besoin de la liberté. Cela est instinctif que toutes les oppositions sont libérales, et toutes les majorités autoritaires. Les catholiques seront forcés de se réclamer de la liberté, seront forcés d’être libéraux dans dix ans. Qu’ils le soient, — et c’est ici le trait de génie de Lamennais, — qu’ils le soient tout de suite, alors qu’ils ont encore l’air d’être la majorité, alors que leur libéralisme aura un caractère de dignité, de noblesse et de générosité, et ne paraîtra pas être un expédient de la défaite.
C’était très bien, c’était admirablement vu. C’était d’une si juste tactique qu’au premier regard, cela semble être de l’habileté. — Ce n’en était pas, ou ce n’en était que dans la mesure, que dans les conditions où l’habileté s’ajuste précisément aux principes toujours acceptés, toujours professés. Lamennais avait assez dit, pendant toute la Restauration, que l’Eglise devait être indépendante de l’Etat et pour le combattre au besoin, en tous cas pour le limiter. Il pouvait, après 1830, dire que, de plus, il était plus opportun que jamais que cette indépendance fût réelle et fût active. Il pouvait, après 1830, dire, comme il l’avait toujours dit, que le libéralisme, en son essence, était le christianisme même, et ajouter, surtout faire entendre, que les chrétiens, devenus, devenant ou allant devenir minorité, n’avaient ou n’auraient bientôt plus rien à faire que d’être libéraux, que de se réclamer de la liberté, et que d’en être, activement et vaillamment, les représentans mêmes.
De plus la Révolution de 1830 était européenne : l’Italie s’agitait, la Belgique s’émancipait, la Pologne se soulevait, l’Irlande faisait entendre, plus douloureuse, sa plainte éternelle. Il y avait une émotion générale des peuples contre les gouvernemens. Ceci d’abord réveillait le révolutionnaire latent qui avait toujours couvé en Lamennais, excitait sa pitié, troublait ses entrailles et son cœur, sollicitait, il ne faut pas oublier ce point, son éloquence, agitait sourdement le tribun visionnaire. Et puis, et certes c’est