Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans son discours du 23 février 1811, il leur expliqua sans ambages le rôle qu’il leur réservait : « Le roi, leur dit-il, n’exige pas seulement l’obéissance. Il veut amener la conviction dans vos esprits[1]. »

Mais telle est la logique des choses que le rôle et l’action d’une assemblée représentative dépendent beaucoup moins, depuis la Révolution française surtout et l’avènement des gouvernemens d’opinion, des intentions de ceux qui les ont convoquées, ou même de leur mode d’élection, que des courans d’opinions qui les portent ou les poussent.

Tout nommés par le pouvoir qu’ils fussent, les députés, qui s’assemblèrent à Berlin en février 1811, avaient le vague sentiment de représenter la nation[2]. C’était la première fois que l’on voyait, en Prusse, une assemblée qui ne fût pas simplement provinciale, et qui mît en contact, dans une réunion unique, et pour la discussion d’intérêts nationaux, des hommes venus de toutes les provinces de la monarchie. Mais ce rapprochement ne pouvait engendrer aucune entreprise révolutionnaire. L’oligarchie foncière, qui avait cédé depuis cent cinquante ans une large part du pouvoir politique à l’autorité souveraine, n’avait pour ainsi dire rien perdu de sa prépondérance et de sa domination sociale. Les huit paysans et les onze citadins devaient faire assez piètre figure devant le groupe des seigneurs fonciers qui s’était renforcé de sa propre autorité. C’était de ce côté que pouvaient naître pour le gouvernement, non point un péril révolutionnaire, mais quelques difficultés politiques. Les tendances agressives de l’oligarchie ont été, en plus d’un pays, à plus d’une époque, aussi menaçantes pour le pouvoir monarchique que les entreprises de la démocratie. Et, sans vouloir exagérer le péril, on peut dire qu’en 1811 encore, c’était plutôt de ce côté que la monarchie prussienne courait quelque risque.

Dans la petite assemblée de 1811, on retrouvait comme un pâle reflet des diètes avec lesquelles avait négocié le grand Électeur. L’aristocratie y arrivait très ardente, très frondeuse, très résolue à défendre ses intérêts, et tout près de la rébellion.

C’était déjà un symptôme assez significatif qu’elle eût réussi à

  1. Treitschke, Deutsche Geschichte, l, p. 374.
  2. Déclaration du 26 mars 1811 signée par v. Gerhard, v. Köller, v. Rœbel, comte v. Götzen, comte Larisch, v. Sydow, v. Kalckreuth. — A. Stern, op. cit., p. 171.