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imposer le nombre de ses représentans au pouvoir qui d’abord avait voulu le limiter. Mais son action ne se borna pas là. Lorsqu’on examine l’histoire et les transformations de la législation sociale de Hardenberg, on ne tarde pas à reconnaître que cette maigre assemblée, oubliée de l’histoire, qui semble avoir traîné, durant quelques mois à peine, une existence obscure, contre laquelle Hardenberg avait pris toutes ses précautions, qu’il avait eu soin de composer lui-même; — on reconnaît que cette assemblée réussit à exercer, dans son contact avec les agens administratifs, une action silencieuse, mais efficace, sur l’œuvre législative du chancelier. Au lendemain d’un désastre que l’on considérait dès lors comme la banqueroute de la classe privilégiée, l’aristocratie foncière sut manifester ce qu’elle avait conservé de vitalité et d’autorité dans la société et dans la politique prussiennes.

Elle débuta par une manifestation tapageuse ; et le chancelier trouva devant lui, dès le début de sa longue administration, cette opposition féodale dont toutes ses tendances le faisaient l’ennemi, à laquelle il ne sut peut-être point résister avec toute la vigueur d’un caractère comme celui de Stein, mais à laquelle toute son œuvre politique allait en somme porter, — et c’est son meilleur titre de gloire, — les coups les plus sensibles.

Marwitz était à la fois le théoricien de la caste et son représentant le plus intransigeant[1]. Dès le mois de février 1811, quelques mois à peine après l’avènement de Hardenberg, il avait fait rédiger, par la plume experte d’Adam Müller, une remontrance adressée au chancelier. Mais cette œuvre confuse, de forme littéraire et très équilibrée, n’avait point plu aux compagnons de Marwitz. Il fut seul, trouvant sans doute que toute manifestation d’opposition était bonne, à y apposer sa signature. Mais il ne s’en tint pas là. Ce fut en mai 1811, quelques mois après la réunion des députés, que Marwitz réussit à grouper autour de lui la caste des possesseurs de biens nobles de la Marche de Brandebourg, ou, pour parler plus exactement, les États des cercles de Lebus, Storkow et Béeskow[2]. C’est en leur nom qu’il signa une adresse au roi des plus audacieuses, qui, cette fois, n’était plus

  1. Groh schroff und knorrig, ein grunddeutscher Mann von scharfem Verstande und unbändigem Frehnuth. — Un vrai Allemand, grossier, noueux et raboteux, dit Treitschke, Deutsche Geschichte, I, p. 373.
  2. Voir le texte de l’adresse, Klose, Leben Karl August’s’ Fürsten von Hardenberg, p. 283.