suite dans leurs privilèges de caste, dans leurs habitudes seigneuriales, dans le sentiment singulièrement naïf de l’autorité et de la prépondérance sociales qu’ils considéraient comme leur patrimoine. La noblesse disait, dans une protestation du 26 février 1811 contre le projet de Hardenberg : « Si le possesseur du bien noble n’a plus le droit d’expulser ses tenanciers, tout le charme du séjour sur ses terres sera perdu pour lui. » D’autres ajoutaient : « Du jour où nous aurons pour voisins des propriétaires ruraux indépendans, nos biens deviendront pour nous un enfer. »
Mais ce n’étaient pas seulement les habitudes traditionnelles de prédominance sociale des possesseurs de biens nobles qui étaient menacées, c’étaient aussi leurs intérêts matériels.
Le seigneur perdait, dans le premier projet, et sans aucune indemnité, tous ses droits de copropriété sur les tenures rurales. Ces droits de copropriété, s’ils n’étaient point seulement des droits théoriques, avaient, il est vrai, quelque chose de platonique, — l’État faisant toujours difficulté pour autoriser le seigneur, lorsque les tenures devenaient vacantes, à les absorber.
Ce qui apparaissait sinon comme plus grave, du moins comme plus directement menaçant, c’était la suppression des corvées et des services de tout genre dus par les petits tenanciers. Les hobereaux consentaient encore à voir disparaître les services et les corvées dus par les attelages des gros tenanciers. Ils construiraient des écuries, ils achèteraient des chevaux. Mais, si on leur ravissait la main-d’œuvre humaine gratuite, la vie deviendrait impossible. Il fallait à tout prix qu’ils pussent trouver des bras. Et si le petit tenancier était affranchi de tout service, si on lui laissait à la fois sa tenure et tout son temps pour la cultiver, qui donc ferait office de travailleur journalier sur les biens nobles?
Toutes ces objections étaient formulées, non seulement par des hobereaux qui, comme Marwitz, n’avaient d’autre qualité pour parler que leur titre de membre de la caste, non seulement par les députés de la noblesse, mais aussi par quelques-uns de ces fonctionnaires qui formaient le trait d’union entre l’administration prussienne et la caste aristocratique. Les réclamations de la noblesse poméranienne étaient signées par le Landrath von Dewitz qui faisait office dans l’assemblée, non point de député, mais de représentant du gouvernement.
La noblesse ne se borna pas d’ailleurs à signaler le mal, et ne demeura pas inactive. Elle mit sans hésiter le projet du gouvernement