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ou représentées dans l’État de la façon la plus partiale. Il faisait ressortir la prépondérance exclusive de l’aristocratie foncière dans la direction des affaires publiques.

Il insistait enfin, — c’était là le motif déterminant d’une législation nouvelle — sur l’impuissance des agens directs de l’État, planant dans le vide au-dessus de cette société féodale, dépourvus de moyens d’action pour faire pénétrer jusqu’aux individus la volonté centrale, dépendant, en somme, du bon vouloir d’une classe prépondérante, d’une oligarchie puissante[1].

L’édit de gendarmerie contenait, en vue de modifier cette organisation politique, deux ordres de dispositions très distincts.

La première partie[2] importait en Prusse la hiérarchie administrative de la France. L’agent traditionnel et hybride de l’administration prussienne, le Landrath, qui représentait dans le cercle, dans l’arrondissement prussien, à la fois le dernier organe de l’autorité centrale, et une sorte d’intermédiaire officieux entre l’Etat et l’aristocratie locale, dont il faisait généralement partie, était remplacé par un pur agent d’Etat : le directeur de cercle. Les adversaires de la législation de Hardenberg n’ont point tort d’assimiler ce directeur de cercle, sauf l’étendue de son ressort, aux préfets de la centralisation française. On lui adjoignait, pour la forme, un petit nombre de représentans des intérêts locaux, six par cercle. Il n’en demeurait pas moins le maître de l’administration, qui échappait à l’oligarchie. L’édit, en effet, et c’était là, comme nous l’avons vu, le nœud même de la lutte, l’édit supprimait le droit de police seigneuriale sur le pays plat, et le remettait, sous l’autorité du directeur du cercle, au petit agent rural qui avait été jusqu’alors une créature du seigneur foncier[3].

Mais, comme, dans l’état politique de la Prusse, il était nécessaire de créer, pour cette administration centralisée, les moyens d’action qui faisaient défaut, l’édit, dans sa seconde partie, instituait une gendarmerie, placée dans la dépendance exclusive du directeur de cercle, du nouvel agent d’État, chargée d’assurer l’exécution de ses décisions, et mêlée même, en quelque mesure, à l’administration proprement dite.

La première partie de l’édit, la plus importante certainement,

  1. Meier, Die Reform der Verwaltungs-Organisation unter Stein und Hardenberg, p. 432.
  2. Bornhak, Geschichte des preussischen Verwaltungs-Rechts, III, p. 55.
  3. Meier, Die Reform der Verwaltungs-Organisation, p. 435.