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n’est pas — avant d’y promener un surcroît de produits infects. Il est nécessaire enfin de compléter l’acquisition, dans la banlieue, de champs d’épandage suffisans — il faut 20 000 hectares et l’on ne dispose encore que de 1 600 — pour y filtrer la masse énorme de liquide vomi par les égouts.

Ce n’est pas chose moins épineuse de renvoyer l’eau fétide et polluée que de faire venir l’eau claire. Il semble monstrueux, en attendant de savoir où la purifier, de la laisser couler à la Seine, dont le lit serait par elle bien plus empoisonné que précédemment. A Paris 8 000 maisons, sur 80 000, appliquent leu tout à l’égout ». Cependant, il existe encore 61 000 fosses fixes, 15 500 tonneaux mobiles— pour matières liquides et solides, — et 32 000 « tinettes » du système diviseur, à fond muni d’une cloison perforée. Lorsque la vidange d’une fosse est décidée, le service spécial de la préfecture délègue un des 38 surveillans exclusivement chargés d’accompagner les équipes de travailleurs nocturnes, d’assister à l’opération et de rédiger un rapport sur L’État des enduits de ciment qui ont souvent besoin d’être réparés. Besogne dangereuse pour les maçons, qui risquent d’être asphyxiés par des émanations mortelles. Aussi se relayent-ils tous les quarts d’heure et celui qui descend se passe un cordage sous les bras, afin d’être remonté au premier cri. Le contenu des fosses, transvasé tout autrement que jadis, dans des tonneaux où est fait le vide pneumatique, est porté 185, rue d’Allemagne, à la Villette.

Là, dans le fond d’une impasse, apparaît une oasis de verdure qui charme les regards : à gauche une large pièce d’eau, à droite un jardin à la française, dessiné par Le Nôtre, où les allées géométriques de marronniers séculaires alternent avec des parterres de bégonias d’espèces nouvelles, de roses aux coloris savamment éduqués. Plus loin, une vaste bâtisse, élevée d’un rez-de-chaussée, dont les arcades sévères font penser à la ruine restaurée d’un temple païen, au tombeau de quelque grand homme. Il n’est pourtant nul symbole sous ces voûtes, nulles idées si ce n’est celles qu’une pente naturelle aurait attirées dans le « lieu secret », car nous sommes au dépotoir.

Le monument à arcades c’est l’abri de trois immenses citernes souterraines, éclairées à la lumière électrique, où chaque nuit sont déversés 1 000 à 1 500 mètres cubes de « restes » immondes, le tiers environ des vidanges parisiennes. Ces matières sont immédiatement refoulées, par une force de 35 chevaux, dans