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de Joseph de Maistre : « Prêchons la défensive aux diplomates et l’offensive aux militaires. »

On ne peut s’empêcher d’y songer vraiment quand on constate le caractère défensif qu’a pris depuis vingt ans notre marine, qu’il s’agisse d’une manière générale de la composition de la flotte, où dominent les garde-côtes, c’est-à-dire les unités de combat que l’insuffisance de leur approvisionnement de charbon retient dans les eaux territoriales ; qu’il s’agisse de chacune des unités prises à part, où les armes défensives l’emportent sur les armes offensives ; qu’il s’agisse enfin de ces ports de guerre, en avant desquels on accumule des digues impuissantes et d’innombrables batteries.

Rechercher à qui remonte la responsabilité d’un état de choses qui diminuerait sans doute le rendement stratégique d’un organisme militaire, d’ailleurs si bien doté au point de vue du personnel, nous entraînerait un peu loin. On a répété, il y a quelques jours, qu’après tout nous n’avions que la flotte de notre politique, et que la longue incertitude de celle-ci expliquait le défaut de cohésion de celle-là. L’excuse est insuffisante, comme nous allons le voir, et il est inexact que la flotte française manque de cohésion. Elle est au contraire fort homogène dans son ensemble, ayant ce caractère nettement défensif et, de plus, des facultés tactiques remarquables. Le malheur est qu’un caractère offensif et des facultés stratégiques lui vaudraient beaucoup mieux.

Peut-être serait-il plus exact de dire que la timidité dont notre diplomatie a donné trop longtemps des preuves trop répétées entretenait dans les sphères militaires les plus élevées une sorte de découragement, d’affaissement, d’inconscient abandon des principes essentiels de l’art de la guerre, et que tels chefs vaillans, qui croyaient appliquer de spécieuses théories sur l’équilibre de l’armement et de la protection, ne faisaient en réalité que subir l’influence déprimante de leur milieu officiel.

Et c’est ainsi que, par le défaut de fermeté dans ses actes quotidiens plus encore que par le défaut d’orientation précise dans ses vues générales, la politique extérieure de la France influait de la manière la plus fâcheuse sur la constitution de notre force navale.

Mais, incertitude ou timidité, l’excuse n’est pas suffisante, répétons-le. Elle n’est pas suffisante parce qu’à tout le moins les