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gouvernement d’opinion, de libre discussion, de quel côté va s’engager la France, admettons en principe que notre effort principal vise encore la triple alliance. Nous verrons ensuite quelles modifications il y aurait lieu de faire subir aux élémens ainsi déterminés pour les approprier tant bien que mal aux exigences de la lutte contre l’Angleterre.

Il ne suffit pas, quand on veut fixer la nature et la valeur de ses moyens d’action, de prendre pour point de départ les opérations que l’on prétend faire. À la guerre, on est deux — au moins — et il est indispensable de se préoccuper de ce que peut entreprendre l’adversaire, de rechercher quels sont, avec ses tendances, ses vues, son tempérament spécial, ses propres moyens d’action pour la défense et pour l’attaque.

L’Allemagne — commençons par elle — avait, jusqu’à l’avènement de Guillaume II, un organisme maritime exclusivement défensif, auquel on ne demandait que d’élargir le rayon du blocus des estuaires de la mer du Nord, de disputer le plus longtemps possible les détroits danois, de harceler la flotte française et de surprendre son convoi, soit dans la marche de flanc du Pas de Calais au Skager-Rack, soit à son débouché dans la Baltique si elle y pénétrait pour tenter quelque descente ; enfin de tenir ferme devant la Jade et devant Kiel, deux positions favorables que l’ennemi est obligé de masquer par une force importante avant de s’enfoncer dans le nord, puis dans l’est.

À ce système qui combinait judicieusement la défensive stratégique avec une offensive tactique très résolue dans des circonstances favorables, correspondaient des engins convenablement choisis : quatre ou cinq cuirassés de moyen tonnage dans la Jade, et à côté d’eux des éclaireurs assez rapides ; quatre autres dans la Baltique, à Kiel, quatre cuirassés identiques, à plat-bord bas, auxquels on donnait le nom significatif de « bâtimens de sortie » ; treize canonnières blindées et des navires de style ancien pour la défense locale des ports, des rades, des estuaires ; puis une superbe flotte de grands et bons torpilleurs, endivisionnés dès le temps de paix, objets de soins attentifs, soumis à un entraînement militaire des plus remarquables. Inutile de parler de quelques corvettes assez médiocres, destinées à montrer le pavillon impérial dans les mers lointaines.

Au reste, depuis que l’amitié russe semblait s’attiédir, on ne laissait pas de se préoccuper des moyens d’augmenter l’efficacité