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homme est de se trouver à l’étroit dans le moule rigide que tous les corps constitués imposent à toutes les intelligences, et où un chef d’escadre même est suspect, qui s’efforce, pour se mieux préparer à la guerre, de se soustraire à la banalité du service courant ?

Et les méthodes de guerre, les avait-on changées… ou du moins renouvelées et rajeunies ? car on n’invente guère dans cet ordre d’idées. Faisait-on effort pour comprendre en quoi la guerre de croisière, la guerre commerciale, serait aussi justifiée aujourd’hui qu’elle l’était peu il y a quatre-vingts ans, quand nous avions perdu déjà bases d’opérations extérieures, escadres et matelots, quand d’ailleurs l’Angleterre produisait encore sur son sol de quoi assurer sa subsistance et que la France avait elle-même quelque chose à perdre en perdant ses navires de commerce ? Recherchait-on si, par hasard, les conditions actuelles de la guerre navale ne seraient pas plus favorables à une descente armée que celles de 1692, de 1779 et de 1805, question que les marins allemands se sont posée depuis longtemps déjà et que l’un des leurs, tout dernièrement, résolvait par l’affirmative ?

Et si l’on voulait enfin se tenir obstinément à la guerre d’escadre, à la grande bataille classique, au moins allait-on reconnaître que nous ne pouvions, si inférieurs en nombre, balancer la puissance de nos adversaires que par des concentrations successives et rapides de nos forces tantôt au nord, tantôt au midi ? — Or, comment y parvenir sans le canal maritime ?…

Non. Rien de tout cela. Au reste, qui eût osé soutenir, exprimer même de telles idées lorsque, aux yeux des politiques, la seule hypothèse de cette guerre était « impie » !


III

A la vérité, tout cela change aujourd’hui, et cette guerre ne paraît plus si impie. Quelques-uns trouvent même le revirement un peu brusque. Dans cette surprenante volte-face, ils croient voir l’effet d’une savante pression en faveur d’une alliance, — mettons d’une entente, — qui eût soulevé il y a peu de temps encore les colères de la nation.

Comment faire, cependant, pour établir nos calculs sur une base solide ? — Eh bien ! et puisque, au demeurant, il n’y a qu’un nombre infiniment restreint de Français qui sachent, sous un