lugubre, un irrintzina. » Cet irriniziria, c’est le cri qu’on pousse pendant les fêtes ou pour s’appeler le soir dans la montagne, le grand cri basque qui s’est transmis avec fidélité du fond de l’abîme des âges jusqu’aux hommes de nos jours. Il se fait ainsi à l’horizon des « paysages » de M. Loti de brusques déchirures. Autour de ce coin du monde où s’agitent quelques hommes à peine distincts de cette terre où ils vont rentrer, on devine l’immensité des terres et des firmamens. Par delà le moment où tient le drame de nos courtes existences on devine la série des existences antérieures. C’est une seconde d’angoisse qui apporte le frisson d’un double infini : celui de l’espace et celui de la durée.
Dans cet esprit des vieux âges où M. Loti personnifie la force de la tradition une vertu réside, contre laquelle viennent se briser nos caprices individuels. C’est aussi bien le sens de la scène qui termine le roman. Gracieuse a été enfermée dans un couvent. Ramuntcho conçoit le projet de l’enlever, et ce projet lui semble à distance d’une exécution facile. Les sœurs qui gardent ce couvent sont quelques femmes sans défense ; Ramuntcho s’est fait accompagner d’un de ses camarades de contrebande ; sans doute ils ont mené à bien de plus hardis coups de main. Or, devant la paix du cloître, devant toutes ces blancheurs et tout ce recueillement ils sentent peu à peu tomber leur bravoure. L’un et l’autre ils sont incrédules ; et pourtant ces symboles vides de toute signification ont gardé assez de puissance pour les mettre en déroute. Donc à quoi bon lutter? Pourquoi chercher à s’affranchir et user ses forces en d’inutiles révoltes? Sachons nous soumettre et nous résigner. Gardons la tradition de nos pères, qui nous relie aux hommes du passé comme à ceux de l’avenir. Derrière les formules vénérables et consacrées, se cache peut-être tout ce que nous pouvons entrevoir des vérités inconnaissables. « Faire les mêmes choses, que depuis des âges sans nombre ont faites les ancêtres, et redire aveuglément les mêmes paroles de foi est une suprême sagesse, une suprême force. » Et de s’unir ainsi à travers les temps, de former avec les ancêtres et avec les descendans encore à naître un ensemble, c’est Ile seul moyen que les hommes aient trouvé pour opposer une résistance à la mort.
Pourtant, elle-même, cette résistance est illusoire. Tandis que partout ailleurs, par suite des mélanges et des croisemens, la notion même de la race est, entre toutes, une notion trompeuse et qui ne répond à aucune réalité, il se peut que quelque part, sur un point du globe, une race se soit conservée dans son intégrité. Vain effort contre les puissances destructives du temps Elle aussi cette race s’en