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puisqu’il avait beaucoup d’étude. » On ne saurait mieux dire et la critique sur ce point est aussi judicieuse que mesurée. Tout en conservant une part de vérité, elle semble un peu excessive dans l’extrait suivant où Félibien, après avoir rendu pleine justice au coloris de Rubens, « qui est son principal talent », ajoute : « On ne peut disconvenir que Rubens n’ait beaucoup manqué dans ce qui regarde la beauté des corps et souvent même dans la partie du dessin. Son génie ne lui permettant point de réformer ce qu’il avait une fois produit, il ne pensait pas à donner à ses figures ni de beaux airs de tête, ni de la grâce dans les contours qui se trouvent souvent altérés par sa manière peu étudiée... Cette grande liberté qu’il avait à peindre fait voir en plusieurs de ses tableaux plus de pratique de pinceau que de correction dans les choses où la nature doit être exactement représentée... Quoiqu’il estimât beaucoup les antiques et les ouvrages de Raphaël, on ne s’aperçoit pas qu’il ait tâché d’imiter ni les uns ni les autres. » Sans nommer de Piles, Félibien le désigne assez clairement et s’efforce de réagir contre ses idées lorsque, tout en reconnaissant que cet auteur « a remarqué avec beaucoup de soin et d’éloquence les beaux talens qu’a eus Rubens », il fait observer à ce propos que « l’amour qu’il a fait paraître pour ce peintre, au désavantage même de plusieurs autres des plus excellens, le rend désormais suspect sur les choses qui regardent la peinture. » Si sincères que fussent les deux écrivains, ils mettaient, ainsi que d’ordinaire, quelque vivacité à défendre leurs opinions. Mais il faut bien reconnaître de la part de tous deux un si juste discernement des qualités et des défauts de Rubens qu’on ne s’attendrait guère à le rencontrer chez nous dès cette époque. Quant à ce qui s’y mêlait de partialité, nous ne saurions oublier que nous en constaterions davantage encore chez deux artistes de notre temps : on sait, en effet, quelle antipathie obstinée Ingres nourrissait contre Rubens, qui était, au contraire l’objet d’un véritable culte pour Delacroix.


VI

Ainsi que nous l’avons dit, si Rubens, comme la plupart de ses contemporains, avait un goût immodéré pour l’allégorie, les conditions qui lui étaient imposées ont singulièrement contribué à l’abus qu’il en a fait dans la galerie de Médicis. Abandonné à