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raison pour préparer le rétablissement, par les voies légales, d’une partie au moins de la juridiction ou du prestige que l’Église avait perdus, et qu’un parti nombreux dans le Parlement ne faisait pas mystère de l’y convier. Mais après que la révolution de 1830 eut fait évanouir le fantôme d’une réaction trop facilement espérée, le moment vint où ceux qui ne voulaient pas se résigner à une complète inaction durent déterminer nettement dans quel sens il leur convenait désormais d’agir. Le premier qui sentit cette nécessité fut un Homme illustre entre tous, à la fois prêtre, publiciste et philosophe, à qui par tempérament autant que par situation un rôle effacé ne pouvait convenir. On a nommé Lamennais. C’est en effet par le tableau de l’initiative hardie que prit Lamennais, à ce moment critique, que s’ouvre le récit du Père Maumus : et il n’a pas tort de se rattacher à ce grand, bien que triste souvenir; car, cet esprit mobile autant que puissant ayant eu la fortune singulière d’adopter successivement les deux lignes de conduite entre lesquelles les catholiques avaient à prendre parti, et de les pousser l’une et l’autre successivement à l’extrême, nul exemple n’est plus propre que le sien à en bien faire comprendre et apprécier la distinction.

Personne n’ignore en effet que, pendant toute la première partie de sa vie et jusqu’aux derniers jours de la Restauration, Lamennais avait profité du grand éclat jeté par ses premiers écrits pour se faire le chef d’une guerre ouvertement déclarée contre tous les principes de l’état social issu de. la Révolution. Rien de ce qui portait l’empreinte d’une époque qu’il eût volontiers, comme de Maistre, qualifiée de satanique ne trouvait grâce devant lui, et moins peut-être que toute autre combinaison légale, les sages institutions inaugurées par Louis XVIII et qui lui paraissaient entachées d’un caractère presque sacrilège, comme tous les compromis faits entre la vérité et l’erreur. Les traditions monarchiques qui s’y trouvaient donnaient, à ses yeux, à l’autorité royale une attitude d’indépendance voisine de la rébellion vis-à-vis de l’autorité spirituelle. La théocratie pure et simple, dans des conditions où elle n’avait jamais existé, était l’idéal que, dans ces premiers jours de ferveur il ne désespérait pas de voir réaliser. Plus d’une épreuve lui fut nécessaire pour se désenchanter de ce rêve. Ce qui l’en détacha graduellement « fut l’impatience qu’il éprouva de ne pouvoir trouver dans aucun parti politique, même dans celui qui faisait profession de dévouement aux principes religieux,