Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le désir ou le courage de s’y associer complètement. » Un travail secret que, dans une biographie récente, l’ancien ministre, M. Spuller, a très finement analysé, s’était ainsi déjà opéré dans son esprit lorsque la secousse de 1830 lui parut un arrêt de la Providence qui imprimait à toute la société, dans le sens des idées modernes, un courant impossible à remonter. Ce fut alors que par un changement de front, plus brusque en apparence qu’en réalité, il se résolut à conseiller résolument à l’Eglise de renoncer à une autorité trop longtemps partagée avec des pouvoirs humains qui pouvaient l’entraîner dans leur ruine et de se borner à prendre et à réclamer sa part dans des libertés populaires.

Cette rupture avec le passé, cet appel à une force nouvelle, furent clairement indiqués par le nom d’Avenir donné au journal qu’il fonda et qui porta en tête cette noble devise : « Dieu et la liberté. »

Mais pour que tout ne fût pas sacrifice, perte et même duperie dans cet échange de toute prétention au pouvoir contre l’acceptation de la liberté ; pour que l’Eglise trouvât, dans un accord avec l’esprit de la société moderne, la renaissance de popularité et de vigueur que Lamennais en espérait, une condition était nécessaire : c’est que la liberté, devenue par là son seul recours, fût sincère, loyale et complète. Aussi se mit-il en devoir d’en revendiquer l’exercice non seulement avec toute la ferveur d’un nouvel apôtre, mais avec des prétentions plus hautes et dans une proportion plus étendue que la législation alors existante ne permettait de l’assurer, ni même de la promettre aux catholiques. Deux ordres de barrières légales s’opposaient, en effet, à l’essor libéral qu’il voulait faire prendre à l’Eglise : d’une part, des règlemens d’une nature spéciale qui enserraient la société ecclésiastique dans des liens d’obligation auxquels d’autres communautés de citoyens n’étaient pas astreintes et qui l’excluaient ainsi de toute une part de droit commun ; de l’autre, dans ce droit commun lui-même, des prescriptions trop étroites pour qu’une grande institution toujours avide de grandir et de respirer à l’aise pût s’y développer avec toute la largeur nécessaire à sa dignité et à son indépendance.

Dans la première classe de ces dispositions restrictives (celles qui portent une atteinte toute particulière à la liberté de l’Église et des catholiques) Lamennais compta sans hésiter toutes celles qui se rattachent de près ou de loin, d’une manière directe ou indirecte,