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au concordat de 1801. De cet acte mémorable, en effet, qui a rendu au culte en France une existence matérielle et qui nous régit encore, sont résultés, on le sait, pour l’épiscopat et le clergé français, un régime d’exception et un mode d’existence qui ne ressemblent à aucun autre. Plus d’une action licite pour tous les Français est interdite aux prêtres des divers ordres, en raison soit de leur qualité, soit de leur dignité sacerdotales. Un esprit plus mesuré que celui de Lamennais aurait fait ici une distinction entre la convention pontificale elle-même, respectable pour tous les fidèles (ne fût-ce qu’à raison de la signature auguste dont elle est revêtue) et les conséquences abusives, les additions arbitraires qui y ont été jointes sous le nom d’articles organiques et contre lesquelles le Saint-Siège a toujours protesté. Mais il n’était pas dans le tempérament de Lamennais, une fois lancé, de s’arrêter à moitié route et, après une règle posée, de se prêter à des exceptions qui auraient eu à ses yeux le caractère de concessions pusillanimes ou de subtilités juridiques. Ce fut donc tout l’ensemble de la situation faite à l’Eglise par le Concordat qu’il enveloppa dans la même condamnation, j’ai presque dit dans le même anathème. Choix des évêques fait par le gouvernement comme condition préalable de leur institution canonique ; défense à eux faite de se réunir même pour traiter des matières spirituelles, sans une autorisation officielle; surveillance exercée sur toutes leurs communications avec le Père commun des fidèles ; nécessité de soumettre toutes les décisions émanées de Rome, soit disciplinaires, soit même dogmatiques, au visa d’un Conseil d’Etat; pénalités administratives ou même judiciaires infligées pour des actes qui, chez d’autres que des prêtres, ne seraient pas même taxés de contravention : toutes ces mesures exceptionnelles, encore consacrées aujourd’hui dans notre législation religieuse, attestaient, aux yeux de Lamennais, une défiance injurieuse contre l’Eglise, explicable tout au plus quand elle prétendait au pouvoir, mais devenue sans motif comme sans excuse, dès qu’elle n’aspirait plus qu’à la liberté. Autant de chaînes, qu’il fallait briser, suivant Lamennais; et, si on lui disait, — comme on nous le dit encore aujourd’hui, — que ces gênes avaient pour compensation quelques facilités assurées au culte et un maigre salaire attribué par le budget de l’Etat à ses ministres, il répondait avec indignation que la reine des âmes ne pouvait vendre son honneur et trahir ses devoirs pour un peu de bien matériel, et que c’était là une raison de plus pour secouer le