imprévues et attachée par tradition aux anciennes formes de la société, hésitait assez naturellement à se lancer dans un courant d’aventures. C’était aller au-devant de la réprobation de cette prudente cour de Rome, dont la modération et le respect des traditions ont toujours été les deux caractères principaux. Telle est pourtant la répugnance que la sagesse qui gouverne l’Église éprouve à intervenir dans un débat religieux, dès qu’une question politique peut s’y trouver mêlée, que, lorsque Lamennais vint soumettre ses doctrines au jugement de Rome, on ajourna une décision qu’on lui aurait probablement fait longtemps attendre, si lui-même, perdant patience au bout de quelques mois, n’eût pris le parti de la devancer en la bravant. La censure qui le frappa ne fut qu’une réponse à son défi.
A part le chef lui-même que son irritation jeta dans la voie douloureuse dont il ne devait plus sortir, l’avertissement profita à tout le monde : car le mouvement, plutôt suspendu et rectifié qu’arrêté, ne tarda pas à être repris dans des conditions plus sages, bien que toujours dans le même esprit.
Ce fut en effet, on le sait, peu d’années après la condamnation de l’Avenir, que s’engagea la polémique sur la liberté de l’enseignement, dont les débats ont été suivis avec tant de vivacité et d’éclat pendant les derniers jours de la monarchie de 1830. Dans cet assaut livré par des catholiques au monopole universitaire, et au premier rang des assaillans, figurèrent tout de suite les disciples de Lamennais, qui ne l’avaient pas suivi dans ses écarts, mais restaient fidèles à sa première inspiration. Le drapeau qu’ils déployèrent porta encore dans ses replis les deux mots de Dieu et liberté, que le maître avait si heureusement unis.
Seulement, l’expérience avait servi : ce ne fut plus une invocation adressée à une liberté vague, illimitée, soulevant toutes les questions à la fois, portant le trouble dans toutes les consciences, prétendant s’étendre à tout et tout embrasser, endoctriner et dogmatiser pour le monde entier; ce fut au contraire un appel plein de réserve, fait à une liberté précise, définie et appuyée sur un texte formel de la constitution nationale.
La charte promulguée en 1830, dans une de ces heures d’entraînement libéral qui suivent souvent, les grandes commotions politiques et dont la durée est souvent aussi bien passagère, avait promis à tous les Français le droit de diriger à leur gré l’éducation de leurs enfans. Ce fut une bonne fortune pour les