Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/307

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 1850, mais je ne vois pas que les traditions des Montalembert et des Lacordaire aient été perdues pour avoir passé aux mains des Chesnelong, des Buffet et des Keller.

Cette légère critique une fois faite, je reconnais que le Père Maumus donne un excellent avis aux catholiques en leur rappelant que si, pour exercer une action quelconque dans la société moderne, et même pour s’y faire une place et s’y faire écouter, il est nécessaire de se conformer de bon cœur à ses conditions, il ne l’est pas autant de les admirer sans réserve et de leur attribuer un caractère de justice et de perfection absolues que l’Eglise hésitera toujours à leur reconnaître. Il y a là en effet une mesure à garder, très délicate, et qu’il est bon, pour se préserver, de tout mécompte, de mettre une fois pour toutes en pleine et franche lumière.

C’est notre propension, on le sait, à nous autres Français, d’appuyer toujours nos institutions et nos libertés de toute nature sur quelques généralités de principes abstraits d’une application illimitée. Nous tenons ce goût et cette habitude de métaphysique politique de nos pères de l’Assemblée constituante, qui, après avoir fait table rase de tout le passé, se sont posés en réformateurs devant servir de modèle au genre humain. Il n’y a pas longtemps encore que nous proposions jusqu’au mécanisme de notre administration à l’envie et à l’admiration du monde. Conservons pour notre usage personnel ce contentement de nous-mêmes, si bon nous semble, malgré plus d’un mécompte qu’il nous a valu ; mais n’espérons jamais que l’Église puisse s’y associer. Depuis tantôt deux mille ans qu’elle s’est frayé sa voie dans le monde, elle a vu passer trop de sociétés différentes, qui elles-mêmes ont subi trop de révolutions et de vicissitudes, pour qu’elle ait jamais consenti à s’assimiler à aucune. Elle a trop vécu et trop survécu, pour reconnaître à personne le droit de lui apprendre à vivre. Il faut s’y attendre, d’ailleurs. Tout ce qui part de l’homme, lois, mœurs, état social et constitutions politiques, sera toujours trop mêlé de l’imperfection qui est propre à l’humanité, trop éloigné du but élevé que l’Eglise lui propose, trop empreint des passions et des faiblesses qu’elle réprouve, pour que l’approbation qu’elle y donne dépasse jamais les termes d’une affectueuse et intelligente indulgence.

Il est évident, par exemple, — et la moindre réflexion devrait suffire pour en avertir, — que l’Eglise ne pourra jamais revêtir