républicaines. Pour en tirer profit, il n’est pas nécessaire de leur attribuer un caractère obligatoire que la nature même du sujet ne comporte pas, et personne n’est tenu de démentir les convictions de toute sa vie. Car la forme extérieure du gouvernement, qui a changé tant de fois chez nous depuis cent ans, et changera peut-être encore un jour ou l’autre, est ici chose tout à fait secondaire. Ce qui ne change pas, ce sont les conditions sociales, communes dans un même temps et un même pays à toutes les formes politiques, et, par suite, le devoir des catholiques de les accepter dans la mesure nécessaire pour rendre leur action utile à la cause qu’ils ont à servir. C’est cette indication, sagement donnée par tout un ensemble de paroles et d’actes inspirés de la même pensée, qui place déjà la figure de Léon XIII dans une grandeur originale devant ses contemporains et prépare la trace féconde que son règne laissera dans l’histoire.
On peut donc dire que, sous cette haute autorité, le mouvement imprimé au commencement de ce siècle, remis dans la voie qui n’aurait pas dû être dépassée, a atteint au moins l’un des deux buts que s’étaient proposés ceux qui s’y étaient livrés à l’origine avec une impétuosité mal réglée, puisque rien ne s’oppose plus à l’accord tel qu’ils l’avaient désiré de l’Eglise avec l’état nouveau de la France. J’ai assez connu les derniers survivans de cette noble élite de 1830, j’ai assez souvent entretenu le Père Lacordaire dans sa retraite de Sorèze et Montalembert sur son lit de douleur, pour avoir le droit d’affirmer que leurs vœux à cet égard seraient aujourd’hui comblés et qu’ils seraient heureux de voir, ramené à des termes d’une correction irréprochable, ce qui fut l’espérance de leur jeunesse et l’aspiration de toute leur vie. Ceux qui avaient subi sans murmure la censure de Grégoire XVI auraient salué avec joie les paroles de paix tombées de la bouche de Léon XIII.
Seulement, cette réconciliation sociale devait avoir, dans leur pensée une conséquence, une contre-partie, je ne veux pas dire une compensation, pour ne pas laisser croire qu’ils demandaient pour l’Eglise un marché intéressé. Mais ils avaient dû espérer que, rassurée sur des intérêts qui lui sont chers, la France serait disposée à relâcher les liens de la législation surannée qui tient encore à la gêne le développement de l’Eglise. La confiance devait faire cesser la contrainte, et la concorde profiter à la liberté.