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de scendait de ses hautes régions, et qui, sans demander si sa fille était hors de tutelle, lui déclarait que, si elle ne disait oui, elle serait tant fessée qu’on la ferait mourir. Le mariage fut célébré contre son gré et vouloir. Un maréchal de France la porta dans ses bras jusqu’à l’autel. On trouva heureusement des causes de nullité, et, peu de temps après, le mariage fut déclaré nul. Catherine dut, quoique rétive, épouser le baron de Quellenec, gentilhomme breton, d’excellente maison, instruit aux choses de la guerre, craignant Dieu et dévoué à la Réforme, mais taciturne, hautain et rébarbatif. Viète déplora l’union de sa chère et jeune élève avec ce vieux et triste personnage. Les noces furent lugubres, sans amour et sans joie. Catherine ne devint pas baronne de Quellenec, Quellenec devint seigneur de Soubise. Dès le premier jour, il prit le commandement et donna la loi dans le château, sans consulter sur rien sa belle-mère habituée à tout gouverner. Huit jours après, ils étaient brouillés. La dame de Soubise quitta le château et se rendit à la Rochelle. Viète l’y accompagna. Ce fut pour lui le commencement d’une vie nouvelle. Les chefs de la Réforme, appelés à la Rochelle par la politique plus que par la religion, prétendaient porter remède au piteux état du royaume, et délivrer le roi qui ne leur demandait rien. La reine de Navarre, accompagnée de ses deux enfans, y avait transporté sa cour. Coligny et Condé étaient près d’elle. Viète vivait au milieu d’eux. Indifférent entre Rome et Genève, il jouait le rôle d’un avocat. Ses cliens étaient Coligny, Condé, la reine de Navarre et Henri de Rourbon, qui lui accordaient confiance et amitié ; il les servait par ses conseils, sans prétendre à rien pour lui-même. Deux affaires plus intimes commencées à la Rochelle devinrent, au contraire, et pour longtemps, la grande préoccupation de sa vie.

Françoise de Rohan, cousine germaine de la reine de Navarre, très grande et très belle dame, connut Viète à la Rochelle, et l’estima fort ; Viète, de son côté, prit grande amitié pour elle. Demoiselle d’honneur de Catherine de Médicis, sa tante, l’une des plus admirées dans cet escadron volant, où chacune, dit Brantôme, pouvait choisir entre le culte de Diane et celui de Vénus, Françoise avait mal choisi, elle était devenue mère. Le cas n’était pas sans exemple. Pour les faits de galanterie, chez les Valois, l’indulgence était sans limite. Le fils de Françoise, alors âgé de huit ans, ressemblait au duc de Nemours, dont Rrantôme a dit : « Qui n’a vu le duc de Nemours dans ses années gaies, n’a rien vu. » Et Mme de