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ou cinq onces de pain par jour soient retenues captives, sans exercice de leur religion, et si étroitement, qu’elles n’avaient qu’un domestique pour les servir. » Ce dernier trait d’une extrême détresse semble presque comique.

Catherine avait l’âme généreuse. Se rappelant sans doute que Quellenec, autrefois, avait triomphé de sa constance, elle manda de sa prison au duc de Rohan son fils, « qu’il n’ajoutât aucune foi à ses lettres, parce qu’on pourrait lui faire écrire par force, et que la considération de sa misérable condition ne le fît relâcher au préjudice de son parti, quelque mal qu’on lui fît souffrir. »

Viète a fait honorable figure dans le siècle qui l’a vu naître. Les mathématiques l’ont rendu à jamais illustre. « Jamais homme, dit Tallemant des Réaux, qui ne s’y connaissait guère, ne fut plus né aux mathématiques. » Des témoignages plus sérieux n’ont pas manqué à son génie.

Huygens, reprochant à l’un de ses correspondans de donner à Grégoire de Saint-Vincent des louanges excessives, lui écrit : « Comparez-le à Archimède, à Apollonius et à Pappus, ces hommes vraiment divins. Que pensez-vous de Viète, de Galilée et de Descartes ? Je suppose que vous les avez lus ? C’est à eux que je dois la plus grande partie de ce que j’ai appris. » Après ce témoignage on pourrait supprimer tous les autres.

Edmond Halley, l’illustre ami de Newton, appelait Viète le grand inventeur de l’algèbre moderne. Les principales découvertes de la géométrie à la Renaissance, a dit Chasles, sont dues à Viète et à Kepler, qui sont à plusieurs titres les premiers auteurs de notre supériorité sur les anciens. Fourier, qu’on ne saurait trop admirer, a signalé en Viète le précurseur et le rival de Descartes. C ! est Viète, il le déclare et croit le prouver, qu’il faut dire l’inventeur de l’application de l’algèbre à la géométrie.

Arago enfin trouvait honteux qu’aucun savant n’ait jusqu’ici étudié et raconté la vie de Viète. Lui-même, en 1847, n’avait rien pu apprendre sur elle. De patientes et ingénieuses recherches ont fait disparaître cette inexplicable négligence. Les admirateurs de l’illustre Poitevin, bien méritans envers sa mémoire, accusent encore cependant les géomètres et les historiens de la science d’avoir trop oublié la place qu’il occupe parmi les grands hommes de la France.

Les œuvres de Viète sont très peu lues, on peut dire qu’elles ne le sont plus ; cette négligence n’est nullement injuste. Ceux