lui, la découverte de l’application de l’algèbre à la géométrie ?
Descartes n’est pas le premier qui ait résolu par l’algèbre des problèmes de géométrie, cela n’est pas contestable en effet, mais la conséquence que Fourier en déduit repose sur une confusion de mots. Descartes a inventé une méthode entièrement nouvelle, qui, depuis l’année 1637, a renouvelé la science. Viète, mort en 1603, a ignoré cette méthode et tout ce qui avait pu y conduire ; il a appliqué l’algèbre à des questions très différentes de celles que traitait Descartes ; la voie qu’il a suivie n’appartient aucunement à ce que nous avons pris l’habitude d’appeler géométrie analytique. Ce nom, on ne saurait le nier, serait un titre bien choisi pour les découvertes très différentes de Viète, mais ceux qui le réclament pour elles doivent en adopter un autre pour les conceptions de Descartes. Viète a moins appliqué l’algèbre à la géométrie que la géométrie à l’algèbre. Tous ses problèmes appartiennent à la science des figures, les lettres qu’il y introduit représentent des longueurs, l’homogénéité qu’il impose à toutes ses équations montre que, dans sa pensée, chacune d’elles traduit un problème de géométrie. Ses découvertes algébriques sont obtenues par la trigonométrie.
Les contemporains de Viète ne pouvaient trop l’admirer et le louer ; il était incomparable et supérieur à tous. Mais, s’il a surmonté tous les géomètres qui l’entouraient, il ne semble pas supérieur à la science de son temps.
Un capitaine, le plus habile du monde, vainqueur héroïque de tous ceux qui s’arment d’un pieu, manient l’épée, lancent flèches et javelots, doit le céder dans l’histoire de l’art militaire aux inventeurs de la poudre, des fusils, des canons et de l’exercice à feu. C’est pour cela que Viète, malgré son admirable génie mathématique, ne pourrait être rapproché sans injustice de Descartes, de Huygens, de Leibniz et de Newton.