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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/411

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Derrière la Montespan, de Mignard, des Amours tirent le rideau qui nous cachait le monde, et nous apercevons des colonnes, des portiques, de somptueuses et brillantes architectures. Nous ne les perdrons plus de vue désormais durant un siècle. La femme et l’enfant se tiendront dans un salon, où ces deux élémens de décor: la tenture flottante et la colonne immobile, ne manqueront jamais de les encadrer. La colonne fournit au dessinateur une ligne droite à opposer aux courbes des robes et des membres ; la tenture permet au peintre d’enlever la tête non plus sur un fond uni, mais sur un tissu changeant, dont il peut varier la valeur à sa guise, de façon à opposer constamment le côté clair de la figure au côté obscur du fond et le côté obscur au côté clair. Muni de ces deux accessoires, l’artiste ne s’en dessaisira pas. La même colonne et le même rideau figurent dans le portrait de la marquise Spinola, de Van Dyck et dans celui du jeune Guillaume d’Orange, dans celui de la marquise du Châtelet, de Largillière, dans la Femme, de Rubens. Pourtant, dès Largillière, il se passe quelque chose d’étrange au fond des portraits. Le décor change obscurément. Au rebours de cette féerie pieuse de Parsifal où l’on voit une forêt devenir un temple, il semble qu’ici la colonne dorique habituelle se penche et se transforme en un arbre, et que le rideau de velours s’évapore et se tourne en un nuage. Dans le portrait de femme tenant une houlette, la transformation s’est faite; dans celui de la duchesse d’Orléans, elle est évidente; dans la femme en costume bleu de Van Loo, elle est précise, et, plus tard, sir George Beaumont demandera, comme la chose la plus naturelle du monde, aux portraitistes de son pays « où ils vont placer leur petit arbre brun. »

D’ailleurs, à mesure que nous avançons dans le siècle de Rousseau, les fonds s’éclairent; quelque chose de la nature apparaît derrière les chignons poudrés et les engageantes à triples prétentailles. Ainsi au théâtre, quand la toile se lève et qu’on aperçoit, à droite et à gauche de la spectatrice placée en face de soi, un bout de décor verdissant, bleuissant et évanescent. Nous ne sommes plus au temps où saint Bernard pouvait faire tout le tour du lac de Genève sans le voir et demander curieusement le soir où était situé le Léman... Nous touchons à l’époque où Bernardin de Saint-Pierre expliquera que toute la Nature conspire pour notre vertu et notre bonheur et que, par exemple, si les arbres ont des feuilles, c’est pour nous servir de parasols.