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impétueux et tendre résume tout ce que le pinceau peut dire d’une tête d’enfant et tout ce que la pensée peut y mettre de grâce, d’innocence, de joie et de paix. C’est une des dernières belles visions de l’enfance que je connaisse. Elle est d’une époque où les anthropologues n’étaient pas encore venus contester sa divine origine et mettre l’éteignoir sur ces auréoles qu’on croyait voir dans leurs cheveux blonds lorsqu’y passait le soleil. Même quand on ne faisait pas de l’enfant un Dieu recevant les rois ou enseignant les docteurs, on se plaisait à y voir un petit ange venu du ciel pour égayer les maisons vides. Maintenant, lorsque les savans voient un bébé, ils n’ont qu’une idée : le suspendre par ses menottes à une branche d’arbre pour comparer ses facultés de préhension à celles de l’orang-outang, ou lui mettre sous les orteils une baguette pour guetter si ses pieds ne vont pas chercher à la saisir, comme feraient des pieds de quadrumane, et ils le photographient dans cette posture!... Reynolds, lui, n’a pas songé à cette scientifique attitude. Son Master Hare, de son doigt tendu, montre quelque chose dans les cieux. Hâtons-nous d’admirer ce geste pendant qu’il en est temps encore, tandis que les anthropologues, poursuivant leurs enquêtes, guettent chez les nouveau-nés le moindre souvenir d’un singe, comme les mages guettaient l’indice et le souvenir d’un Dieu...


III

Ce n’est pas seulement le geste de l’acteur qui change, dans les portraits, c’est le décor. Il se modifie selon les temps avec une régularité telle qu’il semble qu’un même machiniste fait jouer des ressorts pareils derrière toutes ces têtes de femmes et d’enfans. Au début, le fond est uni et sombre, mat et irréel. Les profils ou les faces luisent dans cette nuit, comme des apparitions. Ce sont les Clouet, les Ghirlandajo, les Ambrogio de Predis, et même les Rembrandt et jusqu’aux Philippe de Champaigne. Un rideau noir, vert ou rouge est tiré derrière la figure humaine. Le monde extérieur n’existe pas et importe peu. Pour être il suffit qu’on pense, et l’esprit est plus facile à connaître que la nature. L’attention se porte entière sur le front, siège de la pensée, sans que rien la puisse distraire. Sur tout le premier panneau de cette exposition on a écrit cette leçon.

Dès le coin du panneau suivant, la leçon subit une variante.