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Comme le peintre est plus à l’aise, lorsque l’énorme machine se développe en éventail, en haute collerette, derrière la tête, comme dans ce portrait de Maria Luisa de Tassis ou, mieux encore, perd son empois, s’affaisse et retombe sur les épaules, comme au XVIIe siècle, dans ce portrait d’Anne d’Autriche, de Philippe de Champaigne ! Comme il l’est plus encore, quand le cou se dégage tout entier et apparaît souple et lin, comme dans les portraits de La Tour, à peine enclos çà et là d’un étroit nœud bleu ! Voyez les coiffures, combien elles aussi offrent de ressources à l’artiste ou de difficultés ! Observez la simple et fine ferronnière de Bianca Maria Sforza, avec sa broche en joaillerie posée sur le côté et sa longue queue liée par une torsade, ou même le modeste chaperon à queue relevée d’Anne Boleyn, de Clouet, et comparez-les aux majestueux et lourds édifices qui écrasent les têtes de Largillière, en face, dans la même travée... Contrastez l’humble et fine cornette posée en papillon sur les cheveux de cette femme par Perronneau avec l’énorme perruque de l’infante de Velasquez...

Et si les peintres du XVIIIe siècle ont peut-être été les vrais peintres de la femme, voyez s’ils n’étaient pas puissamment aidés par la mode qui ne leur imposait rien de laid et leur suggérait toutes les élégances ! Regardez, dans le portrait de Mme de Graffigny, ce que la mode de ce temps offrait à l’Art : au lieu de la tête emperruquée, une coiffure légère, basse, à chignon plat, le toupet du devant formant seulement un petit croissant, en physionomie ; au lieu du pourpoint raide, de l’ « empoitrinement » à l’espagnole, un corsage souple et simple, avec une échelle de rubans sur le devant de gorge; au lieu des manches à rebras, des épaulettes, des ailerons et des bouillons de jadis, la manche courte et large, en éventail, garnie d’engageantes à double rang de dentelles, d’où glissait le bras nu. Regardez ces deux toiles des Van Loo, de l’oncle et du neveu, qu’on a placées cadre à cadre, dans un angle : une jeune femme en bleu jouant de la guitare et une femme en costume bleu qui semblent être deux sœurs en uniforme et venues témoigner ensemble, l’une tenant la partition, l’autre l’exécutant, de la grâce papillonnante des costumiers de leur époque ! Quand même l’artiste aurait un peu simplifié leur coiffure ou allongé leurs tresses, ou multiplié leurs nœuds, leurs coques et leurs rubans, qu’importe? Devant la beauté, qu’importe la vraisemblance ?

J’ai dit aussi : qu’importe la ressemblance? et je n’ignore pas le