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Ce n’est pas que d’autres cultures arbustives ne puissent prospérer dans le pays. Partout où l’olivier, chassé par les rigueurs de l’hiver, a disparu, ç’a été pour le plus grand bénéfice de l’amandier. Comme il s’agit d’un produit important, spécial à une région limitée, au centre de laquelle notre hameau se trouve fortuitement placé, il nous faut entrer à ce propos dans quelques détails. On peut le dire, l’amandier est l’arbre de la vallée de la Durance. Les premières plantations apparaissent déjà dans le Gapençais ; puis, les mêmes arbres envahissent l’ouest du département des Basses-Alpes, le territoire vauclusien d’Apt, n’entament du Var qu’un coin de l’arrondissement de Brignoles ; mais, dans les Bouches-du-Rhône, ils peuplent le nord de l’arrondissement d’Aix, ne s’arrêtant à l’ouest que vers la zone arrosable de la banlieue d’Arles. Si l’on trace une ligne droite partant du fond de l’étang de Berre pour aboutir à Cavaillon, en passant par la « trouée » de Lamanon, cette ligne coupera dans les Bouches-du-Rhône les territoires les plus riches en vergers d’amandiers de grand rapport. En effet, telle propriété importante, dans certaines années exceptionnelles, fournira pour 30 à 40 000 francs d’amandes. L’arbre prospère dans les plus mauvais terrains, les sols secs et pierreux, n’exige ni culture, ni fumier d’aucune sorte ; il produit, assez jeune encore, des fruits qu’on peut immédiatement échanger contre espèces sonnantes, sans autre peine que celle de les faire cueillir, puis dessécher au soleil pour les décortiquer, sans même courir le risque d’une altération, comme il arrive pour les baies charnues. L’amandier ne nécessite qu’une simple taille intelligente, dont les frais se compensent en partie par le profit des branchages et du menu bois.

Si l’amandier n’exige pas les frais considérables qui grèvent tant d’autres récoltes, en revanche, il ne produit pas régulièrement chaque année. Tous les hivers, au mois de février, l’arbre s’émaille bien de fleurs blanches ou roses d’un charmant aspect, mais souvent, lorsqu’une tiédeur printanière trop prématurée a précipité l’époque de la floraison, une gelée survient et tout espoir de récolte s’évanouit. Encore cet accident trop fréquent semble-t-il être gouverné par le pur hasard. Quelquefois les amandiers ne portent point de fruits plusieurs années de suite ; ou bien ils en produisent sans interruption à diverses reprises successives ; d’autres fois on voit se succéder une série de récoltes médiocres ou passables.