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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/501

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à la duchesse de Savoie. « Elle a, lui écrivait-elle en parlant de la Princesse, une politesse qui ne lui permet pas de rien dire de désagréable ; je voulus hier m’opposer aux caresses qu’elle me faisoit, parce que j’étois trop vieille. Elle me répondit : Ah ! point si vieille. Elle m’aborda quand le Roi fut sorti de sa chambre en me faisant l’honneur de m’embrasser ; ensuite elle me fit asseoir, ayant remarqué bien vite que je ne puis me tenir debout, et se mettant, d’un air flatteur, presque sur mes genoux, elle me dit : Maman m’a chargée de vous faire mille amitiés de sa part et de vous demander la vôtre pour moi ; apprenez-moi bien, je vous prie, tout ce qu’il faut faire pour plaire au Roi. Ce sont ses paroles, Madame, mais l’air de gaieté, de douceur et de grâce dont elles sont accompagnées ne se peut mettre dans une lettre[1]. » On sait de quelle ingénieuse façon la Princesse résolut la délicate question de savoir comment elle appellerait Mme de Maintenon. Elle se tira de la difficulté en l’appelant ma tante, « confondant joliment ainsi, comme dit Saint-Simon, le rang et l’amitié. » S’il fallait en croire les Mémoires de Languet de Gergy[2], elle n’aurait pris cette habitude que par imitation de Mlle d’Aubigné, la propre nièce de Mme de Maintenon, qui tout naturellement l’appelait ainsi. Beaucoup plus plausible nous paraît l’explication donnée par la comtesse della Rocca dans sa publication de la Correspondance inédite de la duchesse de Bourgogne. « Ce mot si simple, Magna en piémontais, si heureusement employé, auquel elle dut en partie peut-être sa grande faveur, Marie-Adélaïde l’avait importé de son pays où il était alors, comme il est aujourd’hui, en très grande vogue dans les familles pour désigner les femmes auxquelles l’âge, la position, un degré de parenté ou d’amitié donnent une certaine supériorité. » Cette explication répond mieux à ce que nous savons du caractère de la Princesse, et au parti pris évident, avec lequel elle était arrivée, de conquérir les bonnes grâces de la Magna. Sur ce point encore elle ne faisait que suivre les recommandations qu’elle avait emportées de Turin. Aussi avait-elle soin de mander à sa grand’mère combien elle s’en acquittait exactement : « Je fais bien ce que vous m’ordonnes sur Mme de Maintenon, lui écrivait-elle dans une lettre sans date,

  1. Correspondance générale, t. IV, p. 135.
  2. Mémoires pour servir à l’histoire de la fondation de la maison de Saint-Cyr et de Mme de Maintenon son institutrice, par Languet de Gergy, archevêque de Sens.