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domestiques, voir s’ils s’acquittent bien de leurs fonctions, si le labourage se fait bien, s’ils ont soin des bestiaux, des dindons, des poules, et qui enfin seroient obligées de donner leur attention à tous ces détails de ménage et même souvent de mettre la main à l’œuvre[1], » l’éducation qu’elle leur donnait n’avait rien qui les préparât à d’aussi humbles besognes. Il semble qu’elle-même ait eu parfois le sentiment des tentations auxquelles elle les exposait, car un jour, après s’être félicitée de ce que par piété et à la suite d’une retraite, les demoiselles avaient supprimé la frisure qu’on leur avait permise, elle ajoutait : « Je serois au désespoir que l’obligation où je suis de laisser ici entrer tous les jours Mme la duchesse de Bourgogne et les dames du palais qui sont obligées pour ainsi dire par état à cet air de mondanité, l’introduisît de nouveau parmi vous[2]. » Mais soit qu’au début, ces inconvéniens ne l’eussent pas autant frappée, soit qu’à ses yeux toute autre considération dût céder devant l’intérêt supérieur de l’éducation qui lui était confiée, elle n’avait pas hésité à ouvrir toutes grandes à la Princesse les portes de Saint-Cyr. Le 25 novembre 1696, c’est-à-dire environ quinze jours après la rentrée de la Cour à Versailles, elle l’y conduisait pour la première fois.

La réception de cette enfant, qui devait être un jour la Reine, fut solennelle. Un jour que le Roi s’était présenté inopinément à la porte du couvent, la sœur tourière répondit, sans se troubler, de le faire attendre, « qu’elle allait avertir Mme la Supérieure », et le Roi la loua fort de cette stricte obéissance à la règle. On peut penser que, le jour où la Princesse se présenta, Mme la Supérieure était prévenue. Toute la communauté, en longs manteaux, se rendit au-devant d’elle jusqu’à la porte de clôture. La supérieure, Mme du Peyrou, lui adressa un compliment, qui malheureusement n’a pas été conservé, non plus que la réponse de la Princesse. Toutes les demoiselles formaient la haie jusqu’à l’église où d’abord on la conduisit. On lui fit ensuite visiter toute la maison, et la réception se termina par une petite représentation. Les demoiselles de Saint-Cyr avaient l’habitude de jouer entre elles des conversations ou des proverbes à plusieurs personnages, dont le plus grand nombre étaient composés par Mme de Maintenon elle-même. Ces conversations ou ces proverbes roulaient tantôt sur la dévotion, sur les vertus cardinales, sur le silence, tantôt sur les

  1. Conseils aux demoiselles, t. 1, p. 90 et passim.
  2. Ibid., p. 88.