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Princesse, me fait à moi-même et à mon âge une impression qui me rendroit plus homme de bien que je ne suis, si j’estois assez heureux pour en faire bon usage[1]. »

A cette enfant qui avait le goût bien naturel des divertissemens il fallait cependant une société moins grave que celle du Roi, de Mme de Maintenon, et de la duchesse du Lude. Mme de Maintenon, en éducatrice habile, l’avait bien compris. Aussi, dès les premiers jours de son arrivée, s’était-elle empressée de conduire la Princesse à Saint-Cyr.

Ce n’est pas ici le lieu de juger l’œuvre entreprise par Mme de Maintenon à Saint-Cyr. On sait ce qu’en pensait la divine raison de Mme de La Fayette, pour reprendre une expression de Mme de Sévigné. « Cet endroit qui, maintenant que nous sommes dévots, est le séjour de la vertu et de la piété, pourra quelque jour, sans percer dans un profond avenir, être celui de la débauche et de l’impiété. Car de songer que trois cents jeunes filles, qui y demeurent jusqu’à vingt ans et qui ont à leur porte une cour remplie de gens éveillés, surtout quand l’autorité du Roi n’y sera plus mêlée ; de croire, dis-je, que de jeunes filles et de jeunes hommes soient si près les uns des autres sans sauter les murailles, cela n’est presque pas raisonnable[2]. » En fait la divine raison se trompa. Jusqu’à la fin du siècle, il n’y a pas exemple que jeune homme ou jeune fille ait sauté les murailles de Saint-Cyr ; et la tourmente révolutionnaire qui devait balayer la pieuse institution la trouva, au contraire, comme endormie et figée dans les règles et le programme tracés par la fondatrice. Mais on peut se demander si Mme de Maintenon obéissait à une pensée très judicieuse, et préparait d’une façon très efficace le bonheur de ses protégées lorsqu’elle les tirait de familles nobles et pauvres, pour les élever à deux pas de Versailles, dans un établissement où l’air de la Cour pénétrait par toutes les fenêtres, et lorsqu’elle les renvoyait ensuite en province avec trois mille livres de dot. Elle avait beau leur dire et leur répéter dans ses entretiens qu’à Saint-Cyr elles goûtaient des bonheurs qu’elles ne retrouveraient point ailleurs ; qu’il n’y aurait ni monde ni plaisirs pour elles ; et que les plus heureuses seraient celles « qui se trouveroient dans le fond d’une campagne, à vivre en ménagères, à veiller sur les

  1. Papiers Tessé. — Tessé au Roi, 17 mars 1697.
  2. Mémoires de la cour de France, par Mme de La Fayette, édition Eugène Asse, p. 212.