Sur sommation, refus de rendre la place, et marche d’une colonne qui y est entrée par une ancienne brèche, sans éprouver aucune résistance. Pareille guerre à Modon, où l’on a enfoncé les portes et escaladé les murs. Il est certain, à présent, qu’Ibrahim avait fait jurer à ses troupes, avant de partir, de ne se servir de leurs armes contre nous, sous aucun prétexte. La garnison de Coron n’a pas été, comme tu vas le voir, tout à fait aussi bénévole ; mais la différence est si peu de chose qu’à peine faut-il en parler.
Je repartis pour Coron, après t’avoir écrit ma dernière lettre, et y trouvai Ibrahim qui venait visiter la place. A mon arrivée, le général Sébastiani me chargea, conjointement avec un officier de marine, de l’embarquement des bourgeois turcs de Coron, et de leurs esclaves grecs ou grecques. Nous nous attendions, dans nos idées européennes, à ne voir que des gens trop heureux d’être arrachés à l’esclavage, et enchantés d’être rendus à leurs foyers. Nous avons été fort étonnés de voir, au contraire, des femmes demandant à grands cris à n’être pas retenues, et se disant même de la religion mahométane, pour ôter toute apparence de violence de la part de leurs maîtres. A peine quelques vieilles femmes, bêtes de somme réformées et abandonnées par les Turcs eux-mêmes, sont-elles restées ici, et certes, si on les eût consultées, elles eussent suivi les autres, tant nos bons amis les Turcs ont de talent pour s’attacher ces pauvres femmes. — Après le départ de toute cette canaille, et celui d’Ibrahim, que, pour cette fois, j’ai vu de près pendant assez longtemps, on somme la place qui refuse de se rendre, disant que, la France n’étant pas en guerre avec la Porte, on ne voyait pas trop pourquoi elle voulait occuper ses places; qu’au reste la religion turque défendait à un gouverneur de rendre une place sans combattre, et qu’on n’ouvrirait pas. Le lendemain, on commença à faire deux batteries et quelques bouts de tranchées, espérant leur faire peur et les décidera ouvrir leurs portes ; ce fut sans succès. — Sur ces entrefaites, arriva la nouvelle de la reddition de Navarin et de Modon. Comme il était naturel de penser que les ordres d’Ibrahim étaient communs aux trois places, le général Sébastiani nous donna l’ordre d’enfoncer les portes avec peu de monde, et surtout sans emporter d’armes. Vois-tu d’ici trois officiers, un sergent et huit sapeurs, sans fusils, allant prendre une place? — C’était, au fait, un spectacle assez curieux. — Nous avons enfoncé les deux premières portes, sans