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Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 141.djvu/603

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en tous sens les quelques textes, tant de fois discutés, qui contenaient les rares notions que les auteurs anciens nous ont transmises sur la haute antiquité. On a vu, par le plus frappant de tous les exemples, ce qu’elle a dû à l’emploi d’une nouvelle méthode, quels services lui ont rendus la pioche et la bêche ; mais la Grèce n’a pas été seule à avoir le bénéfice de la sagacité avec laquelle l’archéologue a utilisé le bras du terrassier. L’étude des origines de Rome n’a pas été moins largement renouvelée ; les horizons s’y sont ouverts dans la même proportion. Ce phénomène s’est reproduit, d’un bout à l’autre du domaine de la civilisation antique, partout où l’on a pu fouiller librement. La Sicile est un des pays où, dans ces derniers temps, il a été fait le plus d’efforts, et les efforts les plus heureux, pour reconquérir sur l’oubli une part du passé.

On ne savait que bien peu de chose, par la tradition, de ce qu’avait été la Sicile avant que s’y fondassent les cités grecques et les comptoirs phéniciens. Les auteurs anciens, et, à leur tête, le plus grave de tous, celui qui a pris le plus de peine pour être bien informé, Thucydide, s’accordaient cependant sur les points essentiels[1]. Il n’y avait point à parler des Cyclopes et des Lestrygons, auxquels les poètes assignaient la Sicile pour demeure ; c’était là de pures fables. Rien à dire non plus des Élymiens, une tribu mystérieuse dont l’origine est inconnue, qui n’a jamais occupé qu’un canton très restreint du nord-ouest de l’île, celui de Ségeste et d’Eryx. Le gros de la population primitive avait été formé par les Sicanes (Σιϰανοί) et par les Sikèles (Σιϰελοί) ou Sicules (Siculi), qui sont presque toujours mentionnés comme deux peuples distincts. Il était généralement admis que les Sicanes y étaient arrivés les premiers ; on les rattachait à la race des Ibères et l’on supposait qu’ils étaient venus de l’Espagne ; mais ces tribus elles-mêmes ne savaient rien, semble-t-il, de l’origine qu’on leur prêtait ; elles se bornaient à affirmer leur droit de premières occupantes, ce que les Grecs traduisaient en les qualifiant d’autochtones, c’est-à-dire de filles du pays où elles étaient domiciliées. Les Sicanes se seraient d’abord répandus un peu partout ; puis, plus tard, effrayés par les éruptions de l’Etna ou repoussés

  1. C’est à propos de l’expédition athénienne que Thucydide, avant d’exposer l’état de l’île tel que devaient le trouver Alcihiade et Nicias, résume rapidement ce qu’il a pu apprendre de son histoire primitive (VI, 2). Les dires des historiens postérieurs n’ajoutent rien d’important aux données qu’il a réunies, avec son grand sens, dans ce chapitre si substantiel.