l’histoire aurait paru brusquement changé, et les conséquences d’un pareil événement se seraient fait sentir partout où le monde chrétien est en contact avec le monde musulman. Un intérêt très général était en jeu.
Arrêter la Turquie était difficile : il fallait obtenir qu’elle s’arrêtât d’elle-même. Ce premier point acquis, il fallait obtenir qu’elle modérât les premières prétentions qu’elle avait émises, à un moment où l’incartade finale de la Grèce en Epire lui avait causé une irritation aussi vive qu’elle était légitime. Et c’est là qu’on en est encore aujourd’hui. Aux conditions de paix énoncées par la Porte, l’Europe a opposé des objections dont il sera certainement tenu grand compte. Ces conditions ont été jugées inacceptables par tout le monde sans aucune exception, et, s’il y a eu quelque différence dans la manière dont les divers gouvernemens ont envisagé la guerre turco-grecque à mesure qu’elle se déroulait, du moins il n’y en a pas aujourd’hui dans la manière dont ils estiment qu’elle doit prendre fin. La note collective qui a été remise à la Porte en est la preuve. Est-il nécessaire, pour montrer à quel point elles étaient inacceptables, de rappeler les prétentions initiales du Sultan ? Il s’agissait d’abord de ramener la Grèce à ses frontières de 1832, c’est-à-dire de lui enlever la Thessalie. De plus, on lui demandait une indemnité de guerre qui, s’élevant à plus de 250 millions de francs, était évidemment supérieure à ses ressources : quand même elle aurait voulu la payer, elle ne l’aurait pas pu. Enfin, la Porte la privait du privilège des capitulations, et lui demandait d’accepter le principe d’un traité d’extradition. Tout cela, incontestablement, était excessif. Même après la guerre la plus malheureuse, il est rare que le vainqueur conserve, en vertu du droit de conquête, tout le territoire qu’il a occupé. Que la Grèce ait mérité une leçon, soit ; mais celle-là dépasserait la mesure, et ce n’est pas dans son territoire, déjà si restreint, qu’elle doit être frappée. L’Europe, dit-on, admet le principe d’une rectification de frontière, sur des points où celle-ci est restée incertaine et où des conflits pourraient continuellement renaître. La Porte est dans son droit lorsque, après l’expérience faite, elle demande à savoir exactement où elle est chez elle, et à y être avec sécurité. Il est inadmissible que des incertitudes, ou des contestations maintenues sur la frontière, facilitent dans l’avenir, au gouvernement hellénique des tentatives, ou, si l’on veut, l’exposent à des tentations du genre de celles qui viennent de lui coûter si cher. Et nous en disons autant des capitulations. L’Europe ne peut pas consentir à ce qu’elles soient supprimées pour la Grèce. Le principe doit en rester intact. Les capitulations, qui ont été dues autrefois à l’initiative de la France, sont le