libre et d’une plume légère, se sont élevés à la gloire par leurs écrits. » Ces vieux corbeaux étaient les survivans de l’Académie de Richelieu, qui venaient de faire de si grands efforts pour en écarter Boileau. On pense bien qu’ils n’étaient pas disposés à en ouvrir les portes à ses amis.
Ajoutons qu’on était au plus fort de la lutte des anciens et des modernes qui jetait des causes nouvelles de division parmi les gens de lettres. Jamais querelle ne fut plus féconde en sous-entendus et en malentendus. Si les partisans des modernes s’étaient bornés à prétendre qu’en principe nous ne sommes pas condamnés à une infériorité nécessaire, que nos langues et nos littératures ont le droit de s’émanciper de l’imitation servile de l’antiquité, que ce n’est pas un crime de soupçonner qu’en l’admirant et en l’imitant, nous pourrons aller un jour plus loin qu’elle, je crois qu’il n’aurait pas été facile de leur répondre. L’Académie surtout ne pouvait pas leur être contraire, elle qui avait été créée précisément pour aider à cette émancipation, et qui, dès le début, on s’en souvient, proclamait que « la langue française devait succéder à la latine, comme la latine à la grecque. » Mais ceux qui annonçaient tout haut que les anciens auraient des successeurs qui les égaleraient ou les surpasseraient, peut-être, laissaient entendre tout bas que ces successeurs avaient déjà paru, et que c’étaient eux et leurs amis. Desmarets ne se gênait pas pour dire que les Français ont beaucoup plus de talent et d’invention que n’en eurent jamais Homère et Virgile, et mettait sans façon le Clovis au-dessus de l’Enéide. Voilà ce qui exaspérait les gens d’esprit qui avaient étudié l’antiquité et qui la comprenaient. Tant d’impertinence unie à tant de médiocrité les mettait hors d’eux-mêmes. La lutte de principe se changeait donc en querelle de personnes, et c’est ce qui la rendait si violente. Ce qui ajoute à la confusion, c’est qu’aucun des combattans ne paraît être véritablement à sa place et dans le parti qui lui convenait le mieux : ceux qui se flattaient de détrôner les anciens étaient les écrivains les plus médiocres, tandis que les plus illustres, dont les ouvrages auraient pu prouver qu’on n’avait rien à envier à l’antiquité, se mettaient humblement au-dessous d’elle, en sorte que la cause des modernes ne pouvait se flatter de triompher que grâce à ceux mêmes qui la combattaient avec le plus d’acharnement.
Il règne enfin, à propos de cette querelle, une sorte de préjugé qui ne me paraît pas tout à fait juste. On a l’habitude de se