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dieux marque aussi le désir de celui qui parle. Le simple mot chez Homère : τεθναίης «utinam moriaris ! » outre qu’il exprime l’idée de mourir, exprime aussi le souhait de celui à qui échappe cette imprécation. Là est sans nul doute la signification première de l’optatif.

Mais l’optatif n’est pas le seul mode de cette sorte. Le subjonctif mêle également à l’idée de l’action un élément tiré des διαθέσεις ψυχῆς. Il est vrai qu’il côtoie de près le sens de l’optatif. D’après les recherches les plus récentes, il semble que l’optatif ait été dans les Védas le mode préféré pour certains verbes, le subjonctif pour d’autres, sans qu’il y ait une nuance bien nette qui les distingue. Cette abondance de formes montre quelle place importante le langage faisait à l’élément subjectif. Les langues qui, comme le grec, ont conservé l’un et l’autre mode, ont cherché à les différencier. Mais la plupart des idiomes, un peu encombrés de cet excès de richesse, ont fondu ensemble optatif et subjonctif.

Le futur latin est si près du subjonctif et de l’optatif, qu’il se confond avec eux à certaines personnes. Inveniam, experiar sont, ad libitum, ou des futurs ou des subjonctifs. Il y a là un juste sentiment de la nature des choses. Annoncer ce qui sera, ce n’est pas autre chose, au fond, dans la plupart des affaires humaines, qu’exprimer nos vœux ou nos doutes. On comprend qu’anciennement ces nuances se soient confondues. Les exemples abondent, qui montrent qu’entre le futur et le subjonctif il n’y avait aucune limite précise. Ainsi la différence entre les temps et les modes s’efface aux yeux de l’historien de la langue[1]. Ceux qui, de nos jours, ont émis cette idée extraordinaire que l’optatif avait été inventé pour être le mode de l’irréel (der Nichtwirklichkeit) prêtaient aux générations antiques la même force de conception qu’on admire chez les créateurs de l’algèbre. Mais le langage, en ces temps reculés, avait des aspirations moins hautes et des visées plus pratiques.

L’élément subjectif n’est pas absent de la grammaire de nos langues modernes.

Le français, pour exprimer un vœu, se sert du subjonctif : Dieu vous entende! Puissiez-vous réussir! Quelques logiciens, pour

  1. Οὐϰ ἔσσεται, οὐδὲ γέηται. — Οὔ πω ἴδον, οὐδὲ ἴδωμαι. Εἰ δέ ϰε μὴ δώωσιν ἐγὼ δέ ϰεν αὐτὸς ἒλωμαι, etc. Cf. Tobler, Uebergang zwischen Tempus und Modus, dans la Zeitschrift für Völkerpsychologie, II, p. 32.